Vous l’aurez deviné, ce n’est pas du petit abricot orange à la peau douce bien de chez nous dont je vais vous parler. Mammea americana a la peau rugueuse, peut être aussi gros qu’un melon et peser jusqu’à 2kg, a la chair ferme, et son goût se situe entre la mangue et le melon. Il a plusieurs utilisations médicinales et au jardin c’est un excellent insecticide naturel, sans danger pour l’homme.

Natif des Caraïbes et de l’Amérique centrale, l’abricot pays (ou mammey pour les anglophones) est un fruit que l’on trouve dans l’ensemble de l’Amérique Tropicale. Selon Jacques Fournet, l’abricot-pays est l’un des rares fruits indigènes endémique du bassin caraïbe. Le père Labat, qui le découvre au XVIIIe siècle lors de son séjour aux Antilles, note que « les Français ont donné le nom d’abricot à un fruit que les Espagnols appellent mamet. Ce nom français ne lui convient que pour la couleur de la chair, car pour tout le reste il ne lui ressemble point du tout ». On nous trompe depuis tout ce temps, rendez-vous compte!

Il pousse dans des grands arbres pouvant atteindre 25 mètres de haut. On le récolte une fois qu’il est tombé à terre. Jusqu’à la semaine dernière je n’avais jamais vu ce fruit. Et je ne savais même pas comment le manger. Il faut enlever la peau épaisse en l’entaillant en croix, comme une orange. Puis, on élimine la petite pellicule blanche (attention elle peut provoquer des problèmes digestifs d’après ce que j’ai entendu, et elle est amère). On le mange ensuite en coupant des petits morceaux jusqu’à atteindre le noyau. Depuis que j’y ai goûté, je suis complètement addict.

L’abricot pays en jus de fruit

 

mammey-fruit de l'abricot pays
Fruit de l’abricot pays coupé en deux

 

En plus, il y a même Denel (marque Royal) qui a sorti un jus de fruit cette année, commercialisé sous le nom de jus de Mammey. Ils ont présenté le résultat de leur expérimentation avec le CIRAD en décembre lors des journées RITA (Transfert et Innovation Agricole). Ils ont travaillé d’abord avec leur propre verger, puis on sélectionné une variété idéale pour le goût et le process de transformation (notamment avec le critère d’adhérence du noyau). Passionnant! En tout cas, grâce à cette initiative locale, des agriculteurs vont peut-être relancer cette culture qui tend à disparaître. Et ce serait vraiment dommage car  ce fruit typique d’ici a bien des qualités. Il est riche en carotènes même s’il n’atteint pas les teneurs de la carotte ou du giraumon : 3,2 mg pour 100g. En plus de ça, il est peu calorique et riche en fibres. Et je ne vous parle pas de ses applications en médecine traditionnelle! Enfin, si je vous en parle, c’est quand même le but de ce blog.

Propriétés médicinales de l’abricot pays (peyi): bon pour l’homme, les animaux et les plantes!

 

L’eau créole, tonique et digestive (fleurs)

Les fleurs servaient autrefois à préparer une liqueur, réputée pour ses vertus tonique et digestive d’après Géral Veyssière dans Le Grand Livre des Fruits et Legumes de la Martinique. L’huile essentielle tirée des fleurs distillées est utilisée en parfumerie.

Un insecticide naturel (graines)

La plante contient dans toutes ses parties de la mamméine, qui est une coumarine insecticide. On utilise surtout les graines pour fabriquer un insecticide non toxique pour l’homme et qui sert aussi bien au jardin (pour pulvériser sur les plantes) que sur les poux des enfants et les tiques des chiens. Multitâche, l’abricot.

Jean-Louis Longuefosse dans Plantes Medicinales Creoles nous donne dans la recette pour fabriquer un insecticide:

Il faut faire macérer les graines* dans de l’alcool à 60° (10g pour 1litre). Pour les tiques et les poux, on fait une décoction (5g de graines râpées dont on enlève l’embryon pour 1l) que l’on applique sur le cuir chevelu. Laisser poser une heure avant de rincer et renouveler trois jours de suite.

 

*Attention, je parle bien des graines, pas du noyau marron qu’on voit sur la photo. La graine est à l’intérieur 🙂

La peau du fruit de l’abricot pays: attention, digestion

La décoction de la pelure du fruit combat l’indigestion. Boire une tasse avant les repas en cas de digestion difficile.

Et les feuilles aussi!!

A Porto Rico, l’infusion de feuilles serait fébrifuge et en République Dominicaine, les feuilles sont appliquées sur les rhumatismes. Dans la Caraïbe, on faisait prendre un bain contenant des feuilles (en plus d’autres espèces)  à des fins de vermifuge.

 

Enfin, l’écorce donne une résine (résine de Mami) autrefois utilisée pour extraire les épines plantaires.

 

Fleur de l'abricot pays Par Marcoarbo (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons
La fleur de l’abricot pays Par Marcoarbo (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

    4 replies to "Ceci est le vrai abricot pays"

    • LOPEZ

      Merci pour cet article. Je rafole de l’abricot de France, qui n’a rien a voir avec celui de Guyane le gout est très diffférent celui de France est légérement acidulé ceux de Guyane ont une chair ferme et légérement sucré un véritable délice. Ma question est la suivante je voudrai avoir un arbre comment faut il faire le noyeau étant très épais comment va germer la graine qui se trouve à l’interrieur?

      • Cécile Mahé

        Bonjour Lopez, je n’ai jamais essayé, mais je pense qu’elle se débrouille toute seule sous nos climats, la gangue finit par se fissurer

    • hélenne Késenne

      merci je voudrais savoir combien de temps on doit laisser macérer les graines et si c’est possible d’utiliser cet insecticide pour la culture biologique !
      très intéressant !

      • louzoutraveller

        Dans le livre de Longuefosse, ce n’est pas précisé. Pour ma part, je procéderai comme pour une teinture: 10g de graines que je couperai en morceaux ou en tranches dans l’alcool pendant au moins 3 semaines, remuer matin et soir le bocal à conserver à l’abri de la lumière. Quant à son mode d’application ou une éventuelle dilution, j’avoue que je ne sais pas. Tenez-moi au courant si vous faites l’essai!

        Concernant l’utilisation en culture bio, attention: sur le plan de la santé, si c’est comme l’huile de neem, il ne faut pas l’appliquer sur des parties du végétal qui vont être consommées, car ce qui est toxique pour les insectes, même si c’est naturel, a de grandes chances d’être toxique pour l’homme… avec la plus grande prudence donc!

        Si il s’agit de maraîchage professionnel, la réglementation étant en train d’évoluer suite à la loi d’avenir pour l’agriculture, il se peut que ce type de préparation soit classée comme PNPP (produit naturel peu préoccupant), à surveiller donc au niveau des décrets d’application et surtout vous rapprocher de votre conseiller agricole si vous êtes un professionnel.

        Si vous êtes labellisé bio, il faut que ce soit conforme au cahier des charges, à voir avec votre organisme certificateur.

        Voilà, j’espère avoir apporté un peu de précision, même si ça pose plus de question que ça n’apporte de réponses, finalement… Merci pour votre commentaire!

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