J’en ai 30. Il m’en manque donc encore 18 ! Après, on pourra faire une partie… mais de quoi elle parle ??? Des graines trouvées l’autre jour vers Cap Macré en randonnant !
Ces graines grises, douces, lisses et dures comme des galets miniatures m’ont donné envie de les ramasser en nombre malgré les épines cruelles des gousses qui tentaient de s’incruster dans mes doigts. Il y en avait pleins sous ce petit arbre armé jusqu’au dent : il a même des épines sur les branches. Grrrr…
Il fait partie des Caesalpinia, vous savez, le genre d’arbres qui ressemblent de loin à des flamboyants miniatures et que l’on nomme faux-flamboyants. Je me demande si celui-ci fait d’aussi jolies fleurs. Le Senné que l’on a déjà croisé ici sur le blog est aussi un cousin. Tout ce que je sais au moment où je lui chipe ses graines, c’est que celles-ci, on ne les retrouvera pas sur les côtes bretonnes ou irlandaises, mais sur mon futur collier !
Pourquoi iraient-elles faire un aussi long voyage depuis le Sud de la Martinique ? Mais parce que c’est leur destin. Elles sont taillées pour l’aventure pourrait-on dire. Cette légèreté, l’étanchéité de leur enveloppe les propulse dans la catégorie des graines dites dérivantes. Ces graines, elles sont capables de voguer des semaines, des années, des dizaines d’années dans la mer déchaînée. Elles s’élancent dans les eaux turquoises ici, attrapent le courant du Gulf Stream et finissent là-bas sur les criques désertes. Qui sait quelle nouvelle vie attend ces haricots de mer (c’est un de leur surnom aussi!) si elles trouvent un brin de terre où germer ! Car elles peuvent ainsi résister une trentaine d’années, patientes, déterminées, intactes.
Des graines magiques : les caniques protectrices
Vous imaginez bien qu’en rentrant, je me suis renseignée sur leur pedigree à mes petites nouvelles. Et comme la plupart des graines dérivantes, elles ont une aura magico-mystérieuse. Tenez, on les retrouve sur les marchés de la Thaîlande à l’Amérique du Sud, vendues comme amulettes de protection ou pour exorciser l’esprit malin. Il faut dire que si elles sont capables d’affronter vents et marées, elles doivent bien avoir une protection quelconque dont elles peuvent nous faire bénéficier.
Je ne résiste pas à partager ce lien vers une synthèse sur ces haricots de mer et les croyances qui les accompagne. Surtout, c’est là que se rencontrent les magies d’irlande, de cornouailles et des caraïbes ! Quelle universalité dans nos croyances, chers lecteurs qui êtes aux quatre coins du monde, ne trouvez-vous pas ? Les plantes sont ici prétextes à nous rappeler les liens qui unissent l’humanité toute entière !
Des graines pour jouer : les graines de l’Awélé
Mais trêve de mystère, voilà leur véritable identité à ces voyageuses cachotières : Caesalpinia bonduc, parfois noté C. bonducella et C. crista. Et vous savez quoi ? Ce sont ces graines appelées ici caniques grises ou z’yeux chatte qui sont utilisées dans le jeu africain des semailles, plus connu sous le nom d’Awalé ou Awélé. J’adorais jouer à ça quand j’étais étudiante ! Ma voisine Amélie en avait un : on passait des soirées entières à se disputer la victoire. C’était à qui réunirait les 25 graines nécessaires pour gagner ! C’était interminable, mais tellement prenant…
Bon je ne vais pas vous détailler les règles, mais le fait est qu’il faut remplir les 12 cases de 4 graines et qu’il en faut donc 48. Je n’ai donc pas le compte pour me faire mon jeu. Pour ça, pas besoin d’être un artisan chevronné, un sculpteur de bois, il suffit de creuser quelques trous dans le sol. C’est vraiment le jeu le plus magique de la planète. Quelques graines et on y joue n’importe où ! D’ailleurs, dans le Caraïbe, l’Awélé a son équivalent, le Wari auquel on joue à Antigua !
La symbolique du jeu est puissante aussi, puisqu’il évoque le cycle des semences et des récoltes. Quel beau rôle pour notre graine du jour. Et si sa magie permettait d’assurer la subsistance à l’avenir ? Je m’avance sans doute…
Mais dites moi, ces graines seraient-elles africaines à l’origine ? Difficile à dire, mais si vous vivez en zone tropicale, vous avez de grande chance de croiser Caesalpinia bonduc tant il s’est répandu.
Avant de continuer, vous devez savoir qu’il y a une autre façon, du moins pour les enfants de jouer avec ces graines. En les frottant sur une surface dure, elles deviennent des graines brûlantes... un peu magique ça aussi!
Des graines utilisées en médecine traditionnelle
De magie à médecine, il n’y a qu’un pas que nous franchissons tous allègrement sur ce blog. Ces graines-là n’y font pas exception, et d’amulette, on leur a vite attribué également des propriétés médicinales.
Ainsi en Somalie, l’huile des graines est utilisée pour traiter les rhumatismes.
Un extrait amer est appelé «la quinine du pauvre » et est utilisé contre le paludisme en Inde. En médecine ayurvédique, elle se nomme « latakaranja ». Ce remède est également utilisé pour soigner d’autres fièvres et comme antispasmodique.
On a beaucoup parlé de la graine, évidemment, mais ce n’est pas la seule partie de la plante à laquelle on prête des propriétés médicinales.
En Afrique les feuilles, l’écorce et les racines sont utilisées pour soigner la fièvre, des maux de tête et des douleurs thoraciques et comme vermifuge. En Afrique de l’Ouest, elle est utilisé dans le traitement de la jaunisse, la diarrhée et des éruptions cutanées. Sur la côte est, au Kenya, la graine et des décoctions de feuilles et de racines sont prises pour traiter l’asthme et les complications pendant la menstruation, afin d’éviter une fausse couche, et comme gouttes pour les yeux. En Tanzanie, le noyau de la graine est réduit en poudre et pris avec de l’eau pour traiter le diabète sucré.
En Asie tropicale et dans le Pacifique Caesalpinia bonduc est utilisée comme en Afrique.
Des propriétés médicinales de Caesalpinia bonduc
Qu’en dit la science de toutes ces pratiques et superstitions, de ces croyances ? Eh bien, elle a mis en évidence des propriétés analgésiques et anti-inflammatoires de l’extrait alcoolique du tégument des graines qui contient notamment la bonducelline. Sur les rats, cet extrait augmente le seuil de la douleur.
Les différents extraits de Caesalpinia crista (son autre nom) montrent en outre une activité anthelminthique (vermifuge), immunomodulante, antidiabétique et hypoglycémiante. Des effets pour améliorer la mémoire ont également pu être observés.
Donc oui, notre haricot magique a du potentiel même s’il n’est pas inscrit à la pharmacopée française (comme tant d’autres!).
En cuisine aussi !
En Guinée équitoriale, c’est l’huile tirée des graines qui est utilisée en cuisine.
Et en agriculture ?
Ce buisson lianescant est bien utile avec ses piquants pour créer des barrières naturelles et des clôtures.
Des noms partout dans le monde
Elle en a des noms cette graine voyageuse ! Vous la connaissez peut-être sous le nom de cadoc à la Réunion ou à Maurice ou encore bonduc, noix de nikkar (bille en hollandais!), haricot brulant…
Vous connaissez d’autres noms ou d’autres usages ? Partagez-les en commentaires !!
13 replies to "Bientôt l’Awélé (Caesalpinia bonduc) !"
Coucou Cécile,
Ah la canique, c’est toute mon enfance que j’ai passé en Guadeloupe. On jouait effectivement avec, comme tu le précises, on la frottait sur un sol en ciment souvent et une fois bien chaude, on se l’appliquait sur la peau (des jeux un peu bizarre quand même….hahaha). Il en existe des oranges également mais elles sont plus rares. C’est une plante qui ne veut pas te laisser partir si tu as le malheur de t’accrocher à une de ses branches. As tu remarqué la vigueur de ses crochets…..qui sont en plus tout petit….A bientôt
Coucou Pascale, ahaha c’est vrai! Merci pour ces compléments, c’est du vécu!
Bonjour,
J’ai enfin trouvé le nom de ma plante mystérieuse
La graine a été trouvé dans un fauteuil
Et je l’ais semée
Maintenant j’ai un bébé caesalpina 🙂
Je signale que j »habite en Belgique
J’imagine plein d’histoire sur la façon que la graines est arrivée dans ce fauteuil
Je vous met le lien vers un forum de collectionneur de bambou où j’avais cette plante en identification
http://lesbambous.fr/forum/viewtopic.php?f=130&t=14132
Excellent! J’adore, bravo David!!!
J’ai perdu des graines de l’awalé. Ou puis je en acheter ?
Merci pour l’info.
Bravo pour l’article.
Bonjour Chanas, pas la moindre idée, mais si vous êtes en Martinique vous pouvez en trouver en bord de mer 🙂
Bonjour Cécile. Je suis très heureuse de mettre un nom sur ces graines de mon enfance. Il en existe de plus grosses de couleur foncé que j appelle « Graine coco chat ». Quand on les frotte elles produisent de le chaleur. Serait ce une variété de graine d awala?
Bonjour Monique, c’est très possible que ce soit une autre variété de Caesalpinia, oui!!! Elles sont appelées caniques jaunes, orange, grise…
Comme d’habitude, J’A-DO-RE ! merci !! et vivement la prochaine !
🙂
salut cecile! ça faisait très longtemps que je ne t’avais plus lu. très bon article sur cette plante, nous devons certainement l’avoir ici chez nous au Cameroun. courage pour ce que tu fais!
Merci pour cet article. C. bonduc est l’une des espèces éteinte à l’état sauvage au Bénin. C’est grâce à ses vertus thérapeutiques et magico thérapeutiques que l’on rencontre encore quelques pieds autour des concessions.
Un véritable remède naturel (amulette) contre les ulcères qui ronges les bébés….
Merci pour cette info Alfred, je ne savais pas qu’elle était menacée par endroit!