Au refuge, ce soir-là, une énorme table était dressée, mais par pour notre petit groupe. Ils attendaient, dans ce petit coin perdu au milieu des champs et de la réserve naturelle de Mil Cumbres, un groupe de scientifiques. Des botanistes en fait, qui passaient des jours et des jours à sillonner la réserve à la recherche d’arbres fossiles: des cycas.
Ils sont arrivés bien après que nous ayons fini de manger. Leur pick-up s’est garé avec grand fracas dans la cour. Ils sont descendus, façon commando, habillés de pantalons de treillis. Direction les douches. J’étais très déçue, on ne les a pas revus. J’aurais tellement aimé savoir ce qu’ils faisaient-là. Heureusement, ici, ils sont connus et alors que tout le monde se posait dehors sur les chaises et les transats en plastiques pour profiter de la fraîcheur nocturne, le guide m’a expliqué qu’ils étudient ici un arbre que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde. Une espèce endémique de Cuba et de cette région en particulier: un fossile vivant!
Un fossile vivant en voie de disparition
Ce cycas, on l’a vu très rapidement à l’orchidarium de Soroa. La guide hispanophone était passée très vite là-dessus. En réalité, cet arbre, Microcycas calocoma, ou “palma corcho”, on ne tient pas trop à ce que vous vous intéressiez de trop près à lui. Il est en danger. De mort. Ce vénérable vieillard, qui a vu défiler des millions d’années figure sur la liste des espèces en voie d’extinction de l’UICN. La liste rouge: danger critique d’extinction. Dans le monde entier, on estime qu’il ne reste que quelques centaines de plantes. Et elles sont toutes là, dans la région du Pinar del Rio. Il a peut-être eu des cousins, mais ils se sont déjà éteint car il appartient à une famille dont il est le seul et l’unique représentant: les Zamiacées. 250 à 66 millions d’années. C’est son âge… Une relique du mésozoïque. Il a connu les dinosaures et a continué de pousser, de se reproduire, tout ce temps pour parvenir jusqu’à nous aujourd’hui, à l’identique. Impressionnant, non?
Il faut dire, qu’il pousse très lentement et qu’au-delà des facteurs anthropiques (déforestation, etc.), il a du mal à gagner la compétition pour le soleil vis à vis d’arbres plus jeunes et à croissance plus rapide.
Et ce n’est pas tout… il a des difficultés à assurer sa reproduction. D’une part, il a été observé que seule la moitié des pieds femelle produisait des fruits (cônes). D’autre part, il semblerait que la pollinisation ne s’effectue plus, l’insecte responsable du transport du pollen des pieds mâles vers les pieds femelles semblant avoir disparu de la région d’endémicité. Et pour ne rien arranger, un décalage aurait été observé entre les pieds mâles et femelles en période de reproduction, les fleurs des uns et des autres venant en décalé.
Sa disparition semble inéluctable, mais ça fait tout de même un petit pincement au cœur.
Des usages médicinaux de Microcycas calocoma
Aujourd’hui, il est protégé, mais il a été utilisé dans le temps comme plante médicinale. Le cortex de la plante était utilisé en macération alcoolique pour soigner les douleurs articulaires. Toutefois, il n’est pas conseillé d’utiliser les cycas à des fins médicinales en raison des effets neurotoxiques et cancérigènes qui ont été prouvés scientifiquement.
Par ailleurs, les racines étaient utilisées pour confectionner un raticide et les fibres du tronc servaient à faire des cordes.
Combien de plantes aux propriétés insoupçonnées s’éteignent chaque année à l’écart des regards?
Source: infos glanées sur place, site de l’UICN et cet excellent article en anglais “Cycad newsletter” de décembre 2007.