C’est relativement rares ces feuilles bi-foliées, attachées aux branches comme des couples inséparables. Souvent, les feuilles des arbres sont des grandes solitaires qui chuchotent en douce avec leurs voisines, ou alors des êtres grégaires à 8 ou 10 sur le même pétiole* à onduler en cœur. Mais le courbaril est différent…
Le Courbaril, symbole de solidarité
Je trouve très beau l’hommage rendu par Aimé Césaire à sa double feuille : « Une particularité botanique sans doute, mais dans laquelle je me permettrai de voir le symbole de la solidarité indispensable à notre peuple en notre époque de survie. »
C’était en 2001, à l’occasion de la cérémonie au cours de laquelle a été planté le magnifique Courbaril de l’habitation Clément qui figure sur les photos de cet article. Il est sur la liste des espèces menacées d’extinction de l’UICN… alors prenez en soin car comme vous allez le voir, cet arbre exceptionnel nous est précieux bien au-delà de la symbolique ! Donnons-nous l’occasion d’admirer encore longtemps ce mariage (Hymenea en grec) des folioles qui se rapprochent chaque nuit, deux par deux.
Je vous invite à relire l’intégralité de ce très beau texte ici : Discours Aimé Césaire
Le Courbaril, l’arbre qui pue des pieds !
Ca franchement c’est pas sympa. Et très exagéré. C’est vrai qu’avec ses gros orteils pendants, c’est facile de lui attribuer des vilains sobriquets. Et c’est vrai que la pulpe des fruits marrons durs comme du fer à une odeur particulière… mais de là à l’appeler caca-chien ou « stinking toe » (orteil puant), faut pas exagérer quand même ! D’autant qu’au Brésil, cette pulpe transformée en farine est utilisée pour les boissons énergétiques. Vous savez ce qu’il vous reste à faire pour fabriquer votre propre RedBul maison. Je ne garantis pas que ça vous fasse pousser des ailes, mais il vaut mieux éviter de la consommer le soir pour ne pas nuire à votre sommeil. Ceci dit, si vous n’avez pas envie de dormir…
C’est ainsi que notre farine de Courbaril, vendue sous le nom de Jatoba se retrouve au rayon des compléments alimentaires entre le nigari et la pulpe de Baobab ! Il est très calorique, riche en protéines, fer, phosphore et vitamine B3.
Je tiens à rassurer les hésitants sur le goût, moi je trouve ça très bon, ça fond dans la bouche et ça a une saveur sucrée légèrement acidulée, avec un léger parfum fleuri. Apparemment, dixit la vendeuse du marché, on peut même la faire entrer dans la composition de la farine pour faire des gâteaux ou du pain ! Mais le mieux est encore de le consommer sur place, tout juste cueilli dans l’arbre, histoire de se donner un petit coup de fouet lors d’une grande randonnée dans les mornes. A choisir bien marron, brillantes et lourdes.
Propriétés médicinales du courbaril
Loupé ! Ce n’est pas le fruit qu’on utilise pour les vertus médicinales… c’est l’écorce de cet arbre robuste qui peut atteindre 30m de haut qui nous intéresse. Et aussi un peu les feuilles et la résine sur laquelle je reviens juste après.
La décoction de l’écorce est un usage recommandé par Longuefosse pour les cas d’affections respiratoires (asthme, bronchite, toux), la diarrhée et les problèmes de digestion, la cystite, la prostatite, les troubles hépatiques ou encore le cholestérol ! Autant d’usages validés par les études scientifiques qui ont permis de démontrer les propriétés antifongiques et antibactériennes de l’écorce, mais aussi des feuilles et de la résine. Ainsi, on peut appliquer sur les plaies superficielles et les mycoses aussi bien les feuilles que l’écorce ou la racine.
Quant à son action en cas de cholestérol, elle est notamment due à la présence de l’astilbine qui a des propriétés anti-oxydantes, hépatoprotectrices et hypocholestérolémiantes.
L’extrait aqueux des feuilles a une forte action hypoglycémiante.
Il est vrai que les usages populaires vont beaucoup plus loin en proposant selon les pays des propriétés emménagogues, fébrifuges, sédatives, vermifuges… c’est un arbre qui est utilisé dans quasiment toute l’Amérique du sud et les Antilles ! Mais son aspect le plus séduisant réside peut-être dans ce qu’on ne voit pas…
Copal, la résine précieuse du Courbaril (ou Copalier)
Le Courbaril fait partie de ces résineux qui offrent une résine odorante qui peut être utilisée comme encens. On l’appelle le Copal, comme celui d’Inde, ou résine animé tendre ou encore Ambre blanc de Cayenne ou Copal maya. D’un point de vue médicinal, cette résine est traditionnellement appliquées sur les plaies et les rhumatismes. Ce n’est pas surprenant, car de nombreuses résines ont cet effet anti-inflammatoire/ anti-rhumatismal.
Mais évidemment comme l’encens oliban, le copal a une dimension magique, spirituelle, où on lui prête le pouvoir de purifier lieux, personnes et objets, de chasser les pensées négatives et de favoriser la méditation.
En savoir plus sur les encens
Autres usages
Evidemment, un bel arbre comme ça ne pouvait échapper à l’industrie du bois qui y voit un excellent matériau pour les meubles. Je vous suggère plutôt l’utilisation de ses graines… pour réaliser des colliers !
Les autres noms du Courbaril :
Copal, Copalier, Jatoba, Algarrobo, Caca-chien, ..
*Les puristes excuseront cette erreur botanique voulue pour les besoins de la prose, puisqu’il s’agit en réalité de folioles:)