Il s’agit de la fleur de balisier, Heliconia caribaea. Cette belle fleur rouge sang, qui mesure 30 à 50 cm (pour l’inflorescence uniquement, car avec la tige elle peut atteindre jusqu’à 6 mètres de haut) a une place particulière dans le cœur des martiniquais. En effet, elle a une valeur symbolique et historique depuis qu’Aimé Césaire et André Breton ont vu dans ses formes la représentation de la blessure historique du monde noir.
Le balisier n’ est rien de moins que la représentation métaphorique du peuple martiniquais. Le poète remarque que les bractées du balisier s’écartent l’une de l’autre, comme les deux volets d’un thorax ouvert et, dans l’entrebâillement, surgit une nouvelle bractée, flamme sang et or.
Voici quelques évocations de la fleur dans les textes du grand poète martiniquais :
« l’impassible angoisse au cœur des balisiers »
« dépoitraillement jusqu’au sang d’impassibles balisiers »
« le balisier se déchire le coeur »
En réalité, le balisier n’est pas le seul végétal à recevoir une valeur symbolique dans les écrits césairiens. Les dizaines de végétaux évoqués constituent une sorte d’herbier imaginaire où chaque plante fait l’objet d’une observation naturaliste de grande précision. Ses caractéristiques sont décodées et corrélées à l’histoire violente de l’île dans une métaphore qui opère comme un moyen mnémotechnique.
Lors de la création du PPM (Parti Progressiste Martiniquais), Aimé Césaire, homme politique, l’a choisi comme emblême. Aujourd’hui, le PPM est présidé par Serge Letchimy qui a succédé à Aimé Césaire, et qui est Président du Conseil Régional.
Figuration Rapace de Aimé Césaire (in Espoirs et Déchirements de l’Ame Créole)
Troncs-thyrses
draperies
conciliabules de dieux sylvestres
le papotage hors-monde des fougères arborescentes
çà et là un dépoitraillement jusqu’au sang
d’impassibles balisiers
figuration rapace
(ou féroce ou somptueuse
la quête est la soif de l’être)
Bientôt sera le jeu des castagnettes d’or léger
puis le tronc brûlé vif des simarubas
Qu’ils gesticulent encore selon ma propre guise
théâtre dans la poussière du feu femelle :
Ce sont les derniers lutteurs fauves de la colline
Ministre de la plume de cette étrange cour
c’est trop peu de dire que je parcours
jour et nuit ce domaine
C’est lui qui me requiert et me nécessite
gardien :
s’assurer que tout est là
intact absurde
lampe de fée
cocons par besoin terreux
et que tout s’enflamme soudain d’un sens inaperçu
dont je n’ai pu jamais infléchir en moi le décret
3 replies to "Fleur de balisier (Heliconia caribaea)"
J’avoue que moi aussi je leur trouvais un petit côté artificiel à ces grosses fleurs tropicales (rose de porcelaine, oiseau de paradis, anthurium….) On a l’impression qu’elles ont été hybridées pour finir leur vie dans le vase de mémé 😉 Et pourtant, elles sont tout ce qu’il y a de plus naturelles et sauvages ici! D’ailleurs, c’est souvent sur les balisiers que s’installent les matoutous.
J’avais pris cette fleur en photo il y a un moment aux serres d’Auteuil, tant elle est incongrue. Je ne suis pas fan de ce genre de grosse fleur, mais elle est vraiment étonnante. Je découvre maintenant un peu de son histoire, merci.
Coucou, rejoignez-nous sur le groupe la passion des heliconias bonne soirée