Quand je découvre cette vieille parfumerie au décor d’antan dans Le Vieux Havane, je me dis « chouette » je vais enfin pouvoir sortir sans raser les murs et arrêter de penser à mes aisselles.
Ben oui, j’ai oublié mon parfum dans la précipitation du départ et il fait une chaleur à suer toute l’eau de son corps. Un comble alors que j’en avais parlé dans mon dernier article avant le départ en vacances ! Du coup, je rentre dans la boutique comme au supermarché : avec l’état d’esprit d’une escale purement utilitaire. Y’m faut un truc pour sentir bon.
C’est à peine si j’ai remarqué en vitrine les beaux alambics. Je ne jette même pas un regard curieux à la verrerie colorée. Je vois seulement l’immense groupe de touristes allemands, qui occupe la boutique à la faire craquer et qui m’empêche d’accéder à… A quoi ? Il n’y a pas de rayon, pas de « produits » à acheter, pas de code-barre ici. Et tout ce petit monde est joyeusement en train de renifler des bouts de papiers.
Je m’amuse de mon état d’esprit et les imite. Je saisis une des languettes posées sur l’une des deux vieilles tables en bois qui se répondent de part et d’autre du magasin : l’une avec la caisse, l’autre avec des immenses flacons en verre juste derrière. On se croirait dans le repaire de Dumbledore ou de Panoramix ! En passant la main entre deux rêveuses le nez scotché à leur languette, j’en saisi une au hasard. Une jolie écriture indique « Fresa ». Ne parlant pas espagnol, ça ne m’avance pas beaucoup. J’avance prudemment une narine : Snif ? Beurk ! C’est sucré et écœurant. Je suis déçue. Je retente ma chance. La pioche est bonne ! Fleuri, délicat, mais un peu trop doux pour moi. Je rejoue ! Celui-ci est très masculin. Ah ben oui « Tabaco ». Pas pour moi, et pis en plus, je fume pas. Et celui-là ? Mhhh j’aime, c’est doux et puissant à la fois, il me fait penser à de l’encens. Je le garde. Et paf, kidnappé. C’est le mien. Je continue comme ça, jusqu’à ce que je les ai tous senti. Je crois qu’à la fin, en réalité, je ne sentais plus grand chose, perdue complètement dans ce feu d’artifice olfactif.
Le groupe était parti sans même que je le remarque. Toute seule dans la boutique ! Mon regard croise celui de la vendeuse. La pauvre, elle essaye de me parler en espagnol. Même avec la meilleure volonté du monde et une intense concentration, je ne comprend pas un mot à ce qu’elle raconte, mais j’aime beaucoup cette langue, c’est musical. Je souris, je ne veux pas la vexer. Elle me tend une languette et m’indique « Mariposa ». Ça ne sent pas grand chose, et je la boude aussitôt pour lui tendre mon petit trésor de languette : « Ambar Madera ». Elle me fait un signe pour me demander si je veux tester sur ma peau (ah zut, elle a remarqué que je ne captais rien à l’espagnol). J’acquiesce. Elle se dirige vers l’un des grands récipients en verre. Le liquide est un peu bleuté. Elle ouvre le petit robinet et laisse tomber quelques gouttes sur le bout de papier qu’elle me passe aussitôt sur le poignet. Il faut attendre un peu pour le respirer. L’odeur est fortement alcoolisée. Ça me rebute un peu, je n’ai pas l’habitude des eaux de toilettes. A mon grand regret, elle repose mon petit bout de papier sur la table.
En attendant, je fais un tour vers l’arrière boutique. J’interroge du regard : oui, on a le droit d’aller voir. Il y a des béchers, des colonnes de réfrigération, des petits pots et plein de paperasse. C’est là que se créent les senteurs. Je ne les ai pas vues, mais apparemment, ils font sécher des fleurs ici à certaines périodes de l’année. Je suis contente d’être rentrée là. J’ai l’impression que je vais ressortir avec un parfum unique, « fait-main ».
Je porte machinalement mon poignet à mes narines. J’adore ! Ce sera celui-là. Elle me remplit un petit flacon tout simple, sans vaporisateur, visse le bouchon et accroche une étiquette où elle écrit le nom de la fragance au stylo bic : 1791. C’est l’âge de cette vénérable parfumerie dont je ressors enchantée au sens magique du terme.
Concernant l’odeur que j’ai adoptée, ce n’est autre que la traduction de « Amber Wood » ou « Bois d’Ambre », la résine de Pinus succinifera. Il s’agit d’une huile essentielle propice à la détente et à la méditation, très populaire en Inde.. d’où je l’avais ramenée en 2012… Comme une impression de déjà vu… C’est drôle les odeurs, on revient souvent aux mêmes, peu importe les endroits: mon nez n’a pas de frontières.
« Laissez parler les p’tits papiers […] puissent-ils un soir […] vous consoler… » (Serge Gainsbourg)
4 replies to "La vieille dame de La Havane, parfumerie d’antan et vieux alambics"
Contente de te retrouver 🙂
Bonjour Clémentine, bonjour Patricia,
Ca me fait plaisir de vous retrouver après cette interruption de quelques semaines 🙂
Pour répondre à la question, non, il ne tient pas du tout dans la durée. Ce ne sont pas des teintures, ce sont juste des dilutions à faible dosage, je rejoins ton avis: du type eau de toilette, voire eau de cologne (5%).
Malheureusement, difficile pour moi d’avoir plus de renseignements. Si quelqu’un a une méthode pour réussir à apprendre une langue à quelqu’un qui est totalement réfractaire, je suis preneuse!
Un parfum de voyage pour celle qui reste « à la maison », merci pour ce joli article, on partagerait presque tes impressions de « touriste » curieuse et intéressée.
À bientôt 🙂
Magique ! il faut absolument que j’y aille ! Me voilà prévenue …il me faudra venir avec un interprète car ..
ouh la ! j’ai mille questions !!
Ces parfums sont certainement de l’alcool et des huiles essentielles avec des colorants aguicheurs comme pour les bonbons ! ça n’empêche pas qu’ils puissent être de qualité ..
Je ne pense pas que ce soient des teintures de plantes , les couleurs seraient différentes , plus naturelles .
Ton parfum tient-il sur la durée ?
Bel article que tu nous distilles là , à peine de retour ! Merci !