C’est pas tellement que je m’en fous, c’est que c’est à la fois une évidence et un non problème. Stop à la culpabilisation ! Il est temps de dire la vérité, toute la vérité sur ces histoires de réchauffement climatique, de compensation carbone et de business vert. Je remet ma casquette de conseillère en développement durable et vous propose une petite ébauche d’un fil de conduite du blogueur responsable et averti. Ca vaut pour les lecteurs aussi.
J’ai eu envie d’écrire un article sur la vaste fumisterie que représente les labels et autres médailles en chocolat distribuées par des entreprises qui soit disant plantent des arbres pour que vous puissiez atteindre la neutralité carbone. Cette envie m’est venue à force de voir sur les blogs fleurir ces petits logos plus verts que verts. Ces entreprises exploitent la naïveté des citoyens, jouent sur la culpabilité, et la sensibilité à la cause écologique. Le seul point positif est que ça a sensibilisé le monde du bloging aux green-IT et aux techniques de conception web plus respectueuses de l’environnement…. ah non, ça excusez-moi, c’est dans mes rêves. En fait les blogueurs écolo préfèrent juste afficher le logo. Oui ils sont engagés à fond mais pas au point de s’interroger sur le problème quand même. Faut pas exagérer.
Pourquoi à ce stade j’ai la chanson de Philippe Katerine dans la tête ? « Ca m’énerveuuuu… »
Du côté des blogueurs : naïveté, culpabilité, hypocrisie (rayer la mention inutile)
Naïveté : un produit de consommation comme un autre
Il s’agit du cas où le blogueur achète son label, ce n’est pas toujours le cas, parfois, c’est gratuit.
Le carbone est devenu un produit comme un autre. Peut-être même pire, puisqu’il n’a pas de réalité tangible et que le cours de son prix varie, au gré d’un marché que vous et moi ne maîtrisons pas. C’est donc tout sauf un produit local acheté en circuit court : c’est le fruit du travail des échappés de Wall Street qui ont cru bon de se reconvertir dans le green business.
Mais posez-vous donc la question : à qui achetez-vous ? Quel circuit économique faites-vous fonctionner ? qu’achetez-vous ? Un arbre ? Il est où ? Si c’était ça, vous seriez allé en jardinerie. Non, un logo. C’est le seul produit obtenu de la transaction. Même si dans le cas auquel je pense, la transaction consiste en un troc : l’arbre est planté gratuitement contre un article publié, mais c’est une autre histoire.
Et la médaille de l’hypocrisie est décernée à…
Pourquoi on achète un logo ? Pour afficher quelque chose. Pour se convaincre et convaincre les autres de quelque chose. Mais de quoi ? Eh bien que l’on est plus vert que son voisin ! Oui, le vert est devenu une compétition, sachez-le. Donc dans cette course effrénée à la vertitude (merci Ségolène), il ne s’agit pas seulement d’afficher son logo mais d’écrire un looooong article sur les mérites d’adhérer à tel programme. Et de contribuer activement à perpétuer ce sentiment de culpabilité, voir ci-dessous.
Quelle hypocrisie !
C’est comme mettre des panneaux photovoltaïques sur une passoire énergétique : de l’argent jeté par les fenêtres, un peu de peinture verte et beaucoup de bêtise.
Mais c’est dans l’air du temps. Plutôt que de s’interroger sur le problème, on délègue la solution (en payant, ou pas) et on s’auto-congratule de son engagement responsable. Bêêêrk.
Sous-traiter le problème n’est PAS une solution. C’est une fuite en avant. Une manière de se voiler la face. Un peu comme ces parents qui sous-traitent l’éducation de leurs enfants à Canal Sat. Or pour résoudre un problème- on apprend ça à l’école- il faut faire fonctionner son cerveau. A force de payer pour éviter de s’en servir, où va-t-on se retrouver ?!
Donc si on se sent réellement préoccupé par le problème, on va plus loin dans la réflexion (voir plus bas, c’est le troisième paragraphe).
Une culpabilité orchestrée, bien intégrée
Nous sommes tous coupables. On nous l’a répété, ça a été démontré, depuis le début de l’industrialisation, on observe un réchauffement climatique qui est imputable aux activités humaines. Celles-ci dégagent des gaz à effet de serre. Pleins. Pas que le dioxyde de carbone. Mais pour que ce soit plus simple, on a converti l’ensemble des gaz en équivalent carbone grâce à de savants calculs. Ah ah ! Et vous pensez que les arbres fixent les CFC (des gaz d’origine industrielle, qui eux aussi sont convertis en équivalent carbone) ? Bref je m’éloigne du sujet.
Donc, oui, mon blog pollue. Comme tous les sites internet. Comme tout le web. Comme toute activité quotidienne. Même en respirant, je rejette du gaz carbonique bien connu pour être un gaz à effet de serre qui contribue activement à réchauffer notre planète, tous les experts du GIEC en sont sûrs (Claude Allègre est plus modéré). Dois-je pour autant souscrire un abonnement me permettant d’atteindre la neutralité carbone dans toutes mes activités du quotidien (je vous raconte pas avec les déplacements domicile-travail en voiture, ça va me coûter la peau du c…) ?
Mais pourquoi nous sentons-nous si coupables ? Mais parce que ça rapporte!
Du côté des entreprises : business verts juteux, dérives et marché carbone
Un business juteux
Claude Allègre le dénonçait dans son bouquin L’imposture climatique. Ça lui a juste valu d’être traité d’hérétique et de voir déformer ses propos. A tous ceux qui n’avaient pas lu le livre, on a fait croire qu’il remettait en cause l’hypothèse selon laquelle le climat se réchauffe. Oh mon Dieu ! Le vilain révisionniste du climat ! Or, ce qui a dérangé, c’est qu’il soulignait-entre autres faits choquants- qu’un petit nombre de happy few bien placés profitaient allègrement (vous avez noté le jeu de mot, hein?) de ce business bien juteux.
Oui car c’est un business. Qui comme les marchés boursiers et la finance, n’a pas de fondement dans l’économie réelle. Mais il peut avoir des conséquences sur la vie des gens par contre. Ils sont loin de chez nous, donc ça va (c’est de l’ironie bien sûr). Parfois comme en Amérique du Sud, on replante une forêt d’eucalyptus à la place de la forêt tropicale et de son riche écosystème : on encaisse le fric, on a fait le taf, mais l’environnement, on s’en fout. Parfois, c’est plus insidieux, on crée des réservoirs de biodiversité que l’on vend sous forme de portefeuille d’actions et on interdit l’accès à la forêt, source de subsistance, pour les populations autochtones. On privatise. Je ne vais pas m’étendre, j’en ai déjà parlé dans ce post qui part d’un reportage d’Arte extrêmement bien documenté: cliquez ici
Je me demande juste si il est bien responsable de soutenir un tel système quand on est un blogueur écolo.
Comment en est-on arrivés là ?
Le consommateur, comme il n’achète pas en circuit court, demande des preuves à l’entreprise comme quoi elle est bien responsable. Comment apporter la preuve quand il y a tant de suspicions et qu’une simple explication sur ses pratiques ne suffit pas à satisfaire ce consom’acteur exigeant ? Prise en sandwich entre les consommateurs, les obligations réglementaires et cette offre nouvelle de labels et de certifications qui simplifie tout (elle paye, elle a une preuve à présenter à tous ces gens bien pensant) la pauvre entreprise cède à la pression.
Pendant ce temps là, pendant que ce système s’auto-entretient (oui parce que vous aurez quand même remarqué que dans l’affaire, à part des flux d’argent virtuel, il ne s’est rien passé de concret!) on est sûr que personne ne se préoccupe des véritables problèmes. Et qu’on fait rentrer de l’argent dans les caisses. Et qu’on maintient un PIB acceptable pour les pays les mieux lotis. Et que grâce à ça, cerise sur le gâteau, on a les moyens d’empêcher les autres d’atteindre le même niveau de développement. Et avec la bénédiction du peuple ! C’est vraiment tout bénéf’
Du côté des développeurs et webmasters : responsabilité?
Pour avoir un blog non polluant
Il vous faudra choisir un hébergeur qui a une démarche responsable.
Il vous faut ensuite abandonner les plugin (= ce qui permet d’ajouter les archives du blog, des mises à jour de sécurité, etc.) qui sont très gourmands en énergie.
Puis, vous vous rendrez compte que c’est wordpress qu’il faut abandonner, l’interface étant bien trop gourmande. Il faut passer à l’étape suivante et faire appel à un informaticien qui soit webmaster avec de bonne connaissance en langage informatique et une sensibilité aux green-IT. Les green IT (ou technologie de l’information verte) sont un ensemble de bonnes pratiques de la profession visant à minimiser son impact sur l’environnement.
Vous allez lui demander (ah ah essayez toujours !) d’écrire l’ensemble du code à la main en langage binaire. Oui parce que c’est mieux pour l’environnement, c’est pas une blague.
L’étape suivante est de vous interdire d’y mettre des images et des vidéos, laissez tomber les bannières de publicité également. Tout ça est excessivement consommateur.
Enfin, vous allez éviter de mettre des liens vers d’autres sites, pour ne pas inciter vos lecteurs à polluer le web en continuant leur navigation.
Vous ferez en sorte de ne pas être référencé sur les plus gros moteurs de recherche (yahoo, google) pour ne pas générer un trafic trop important, source de pollution.
Pour finir, le plus simple, c’est de supprimer votre site qui ne reçoit plus de visite, non ?
Pour compenser la pollution générée : faire son bilan carbone
Bref vous l’aurez compris, votre blog générera toujours une pollution, malgré vos efforts. Mais si malgré l’argumentaire ci-dessus vous êtes réellement motivé à trouver les solutions, voici la démarche :
Il faut réaliser votre bilan carbone ou plutôt, comme il a été renommé plus justement depuis quelques années, Bilan de GES (Gaz à Effet de Serre). Oui parce que vous ne générez pas la même pollution que votre voisin, ne serait-ce que par le choix de l’ordinateur avec lequel vous mettez votre blog à jour, le bilan de GES est une affaire individuelle. Il consiste à faire l’inventaire de tous les postes qui génèrent des GES, de votre connexion internet, à vos utilisateurs, en passant par votre hébergeur, votre ordinateur…. Etc etc.
Vous allez ensuite aller sur l’excellent site gratuit de l’ADEME qui donne des ratios vous permettant d’attribuer à chaque paramètre une émission en équivalent carbone (rubrique Base Carbone) : http://www.bilans-ges.ademe.fr/
Vous n’oublierez pas de retrancher à ce total l’estimation du carbone économisé grâce à vous si votre blog prodigue des conseils pour être plus respectueux de l’environnement, ou vend des solutions allant dans ce sens.
Ensuite, fort de ces enseignements et des dizaines d’heures que cela représente à ne pas faire ce que vous aimez faire, et donc à ne pas vous préoccupez de votre bonheur qui devrait pourtant être au centre de vos préoccupations, vous pourrez D’ABORD explorez les postes où il est possible de réduire votre impact : on regarde traditionnellement les postes qui génèrent le plus de pollution et sur lesquels vous avez directement la main. ENSUITE vous pourrez compenser vos émissions, soit en payant (vous savez ce que j’en pense), soit en plantant autant d’arbres que nécessaire.
A titre d’information, un arbre ne fixe du carbone que pendant sa croissance (d’où l’importance de planter et de faire pousser) car une fois sa croissance terminée, CO2 relâché par la respiration et CO2 fixé par la photosynthèse vont se compenser. Alors, combien ? Eh bien les estimations avancées vont de 5 à 30kg de CO2 par an (attention je parle bien de dioxyde de carbone, pas d’équivalent carbone pour ceux qui ont bien suivi). C’est une moyenne extrêmement variable d’une essence à une autre, d’un pays à l’autre. Bref, on sait pas. Ah ah, c’est quand même embêtant, non ? Bref, disons 20kg qui est une valeur qui revient souvent dans la biblio. Sachant que les estimations données par Bonial, à l’origine de l’opération Blog Zéro Carbone pour un petit blog sont de 4kg, ça laisserait quand même une sacrée marge.
Au fait, question subsidiaire, pourquoi Bonial, entreprise privée lance une opération gratuite de ce genre… les arbres sont déjà plantés, ça ne lui coûte rien, pis ça lui fait de la pub gratos parce que la seule exigence est que vous fassiez un article sur votre blog. Et que surtout, vous preniez bien le lien HTML du logo, pas l’image hein. Ben oui, parce qu’en fait, c’est un lien commercial. Oh mince, on vous l’a pas dit ? Sur le web, quand c’est gratuit, c’est que le produit (/ pigeon), c’est vous !
En réalité, avez-vous besoin de tout ça ?
Franchement, après tout ce travail, vous ne croyez pas qu’il aurait été plus judicieux de commencer par aller planter des arbres ? Êtes-vous à ce point avare que vous comptez le nombre d’arbres qu’il faut ? Moi je dis : faut planter. Autant que possible. No limit. Une graine ça coûte rien, ça se ramasse et ça se plante, ça germe, ca se soigne et on replante. Voilà, c’est tout simple. Y aurait pas besoin de tout ce système si on le faisait tous !
Sous-traiter pour planter un malheureux arbre ! Sérieusement ? Mais dans quel monde vivons-nous, si même ça on ne veut plus le faire soi-même ! Et pis comme ça en plus, il est planté ailleurs, loin de chez nous.
Mais finalement, entre nous, l’important, c’est pas qu’il soit planté ou pas, c’est de pouvoir afficher le petit logo, comme une espèce de certificat de bonne conduite : oui je suis un bon citoyen, j’ai bien intégré le discours et je consomme bien gentiment les produits de la toute belle économie verte.
STOP à l’hypocrisie verte. Cultivez votre lien à la nature. Directement. Sans intermédiaire. Il y a des choses dans ce monde qui ne peuvent pas être sous-traitée et ça, ça en fait partie. Planter un arbre vous rendra heureux, et ça ça n’a pas de prix. Pour le reste, il y a mastercard.
Petite esquisse de Charte Responsable à l’usage du blogueur
- Etre responsable, c’est assumer, ne pas se voiler la face : oui je pollue
- Etre responsable, c’est comprendre : qu’est-ce que j’achète ? Pourquoi ? A qui profite le crime ? (le blogueur responsable a un petit côté Hercule Poirot)
- Etre responsable c’est agir : directement, sans intermédiaire et ne pas sous-traiter ses problèmes éthiques
- Etre responsable c’est être en cohérence avec ses valeurs : et ne pas contribuer à une économie ou à des actions qui ne vont pas dans ce sens
- Etre responsable, c’est être raisonnable : sur la quantité de pollution émise par un blog, est-il réellement nécessaire de sortir l’artillerie lourde ?
2 replies to "Mon blog pollue ? Je m’en fous ! (ou est-ce qu’un blogueur doit compenser ses émissions carbone)"
Lu et approuvé. Où signe-je (plus facile à écrire qu’à dire) ?
Je découvre ton blog et j’aime. Je vais suivre tes périgrinations.
Ah ah! Euh, j’avais pas prévu, mais pas de souci j’enregistre ta signature 😉
En tout cas, merci pour le commentaire, très contente que tu sois passé par là, car je te suis sur twitter, mais je n’avais pas vu que tu avais un autre blog que carnet d’herboriste, je te découvre donc un peu plus aussi!