J’ai eu un sacré choc l’autre jour dans les rayons de l’hyper U (que j’arpente avec mon caddy comme l’ont souligné les charmantes personnes qui ont réagi à mon billet d’humeur sur le régime vegan). Au rayon des aromates sous cellophanes, à côté des salades en sachets et bien serrés entre la menthe qui se flétrit et le thym qui tire la tronche, il y avait… du moringa !!!! Arghhh freinage d’urgence, dérapage contrôlé de la roue droite, cabrage du caddy. Ça ne peut quand même pas être…
Et si. Alors ça si un jour on m’avait dit. J’en suis resté sur le cul. J’ai saisi la petite barquette et l’ai regardée droit dans les feuilles. Le moringa… petit retour en arrière et séquence souvenir-émotion.
Kenya, 2005. Premier contact avec le moringa
J’étais en stage au Kenya et je travaillais sur le recensement ornithologique du sanctuaire de Nguuni, non loin de Mombasa sur la côte est de l’Afrique. La vérité : je passais mes journées à arpenter la brousse avec une paire de jumelle et un carnet, à contempler les oiseaux. Mais d’autres stagiaires avaient des missions bien plus sérieuses. Il y avait Amélie, même promo, parcours différents, elle travaillait sur un sujet d’éthologie : comprendre les déplacements des animaux dans le parc, leurs interactions entre eux… bon d’accord, elle, elle passait ses journées à regarder les girafes. Tout le monde va finir par croire qu’on foutait rien ! Mais il y avait aussi Samantha. Elle, elle n’était pas dans le parc mais sur la ferme expérimentale. Je ne saurais plus vous dire le sujet de son stage, c’était quand même y a 10 ans tout ça. Tout ce que je sais, c’est qu’un jour on l’avait aidé à remplir des bouteilles d’eau, à en regarder d’autres et que ce qu’il y avait dedans et de quelle couleur était l’eau… c’était une expérience avec du moringa. Oui, oui. Je me souviens bien de ce nom. Un travail d’expérimentation- parmi tant d’autres- que s’était donné le Dr Haller, président de la fondation qui porte aujourd’hui son nom, et qui à ce moment là s’appelait encore Baobab Trust. Le but était de trouver des solutions pour purifier l’eau, à moindre coût pour pouvoir apporter une solution aux familles alentours qui n’avaient pas forcément accès à une eau potable. Je me rappelle que la couleur de l’eau dépendait de la quantité de moringa : plus ou moins troublée/ boueuse.
Le lien vers leur site : http://haller.org.uk/
Les graines de moringa pour purifier l’eau
J’ai donc fait quelques recherches sur le net (aujourd’hui, pas il y a 10 ans) et j’ai pu voir avec beaucoup d’émotions que ces travaux avaient porté leurs fruits. Les travaux sur la purification de l’eau se sont poursuivis, avec d’autres techniques comme les UV par exemple. J’ignore si l’ONG a joué un rôle, mais il semble aujourd’hui communément admis que les graines de moringa réduites en poudre ont non seulement un impact considérable sur la réduction de la turbidité de l’eau (24 à 96%!) mais ont en plus, grâce aux protéines contenues dans les graines une action sur les bactéries présentes dans l’eau ! Je crois que j’avais rencontré un visionnaire à l’époque…
Mais que diable fait le moringa à l’hyper U ?! Aurait-on des soucis d’eau potable en Martinique ?
Les propriétés médicinales du Moringa et bien d’autres
Le Moringa est un arbre extraordinaire. D’ailleurs, il y en avait un dans le jardin où on était logées. Mohamed nous l’avait présenté. Dans son regard on voyait qu’il avait une grande importance, mais ses paroles en swahili sont toujours restées extrêmement obscures.
Ce qu’il a du essayer de nous dire, c’est que ses propriétés sont quasi infinies!
Au Nigéria, racines et écorce de tige sont utilisées comme anti-scorbutique. Au Sénégal, le Moringa est utilisé pour soulager les bronchites, céphalées et névralgies. Au Mali, c’est l’écorce que l’on prend pour la digestion et les feuilles sont utiles en cas d’abcès, arthrose, douleurs liées aux entorses, rhumatismes. A Madagascar, on le prend contre la fièvre (écorce). Aux Antilles, les semences, notamment jouent un rôle purgatif.
Et en Inde, ses racines constituent une drogue aux usages multiples comme le souligne Bernard Boullard dans son ouvrage Plantes médicinales du monde. Croyances et réalités : épilepsie, paralysie, affections nerveuses, hystérie, troubles cardiaques et circulatoires, spasmes intestinaux, fièvres, aphtes, lèpre !
Tant de qualités peuvent notamment s’expliquer par un composé présent dans les graines qui présente des similitudes avec l’éphédrine (un décongestionnant). En plus, le Moringa synthétise des antibiotiques (ptérygospermine et spirochine) à spectre large.
En plus, les qualités nutritionnelles des feuilles sont exceptionnelles (plus riches en vitamines, minéraux et protéines que la plupart des légumes). On lui trouve donc des applications dans des cas de malnutrition, mais aussi comme aliment pour le bétail. L’huile tirée des graines tient la dragée haute aux meilleures et est utile en savonnerie et le latex de l’écorce, soluble dans l’eau est utilisé pour le traitement du calicot, un tissu grossier en coton.
Mais en Inde aussi le Moringa était là
Et paf, je me rappelle maintenant que je l’ai vu ailleurs. En Inde. Tout bêtement, de là où il est originaire. Khajuraho, Inde du Nord, 2012. Je pars en moto avec un gars rencontré la veille pour aller voir les cascades. Une chose en entraînant une autre, on commence à parler plantes et médecine ayurvédique. Son oncle est de la profession. Lui a commencé à apprendre mais n’en a pas fait son gagne-pain. Il m’arrête devant un arbre… le moringa !
Apparemment la tradition ayurvédique estime que les feuilles du Moringa guériraient 300 maladies!
C’est bizarre quand même en voyant le nombre de fois où on s’est croisés avec Moringa, je me dis qu’on a un lien… que j’ai sûrement à faire avec lui. Mais quoi ?
Goûter les feuilles de Moringa
C’est finalement arrivé il y a quelques semaines. Oui, parce que j’avais reposé ma barquette de Moringa à l’hyper U. Les prix pratiqués pour quelques malheureuses feuilles étant assez révoltants.
En allant récupérer mon téléphone sur Trinité, Chantal m’a fait la visite de son merveilleux jardin. Parmi toutes les plantes qu’elle m’a données, quelques feuilles de moringa. Je crois que je m’attendais peut-être à une révélation, quelque chose. C’est pas que j’ai été déçue, mais… en les goûtant pour la première fois de ma vie, j’ai eu l’impression qu’elles étaient assez quelconque. Un goût de salade, un peu épicée, certains disent un goût de cresson. Bon, ben, voilà quoi, tout ça pour ça!
6 replies to "Moringa… out of Africa"
je ne connaissais pas cette plante! merci pour cette découverte:)
🙂
Tout ça pour ça …c’est beaucoup et très beau !
Tu as déjà vécu de très belles expériences .
C’est souvent dans les êtres , les plantes et aussi les actes les plus simples que se cachent des trésors .
Bel article écrit avec le cœur , merci Cécile 🙂
Merci Patricia pour ces jolis mots! « Tout ça pour ça » n’est pas tant l’expression d’une déception que le fait de reconnaître que c’était un peu bête d’attendre un genre d’événement, je ne sais pas, quelque chose d’un peu magique. Mais totalement d’accord, le trésor est bien là quand même 🙂
C’est une jolie histoire même si à la fin tu n’as pas la révélation tant attendu. Je ne connais cet arbre que de nom et notamment pour son huile utilisée, entre autre, en savonnerie. Je ne connaissais pas toute ses propriétés, c’est très intéressant.
Merci pour ce partage.
Pas de révélation, mais, je suis sûre qu’on va se recroiser. Et peut-être très vite, car je crois l’avoir croisé à un autre endroit en Martinique. J’ai une photo, mais je ne suis pas capable de l’identifier avec certitude. Je retourne sur les lieux jeudi, donc…
En tout cas je suis bien contente que l’article t’ai révélé toutes ses extraordinaires propriétés. Ca aurait été bien dommage de le cantonner à son rôle « cosmétique » 🙂 C’est marrant d’ailleurs, parce que moi c’est l’inverse, avec son rôle dans le traitement du tissu, c’est les deux propriétés que je ne soupçonnais pas!