Cette énorme gousse marron foncé qui pendouille au-dessus du chemin, comme une feuille morte égarée, je l’ai déjà vue quelque part. Elle m’intrigue, et je me dis qu’elle doit contenir des graines à la mesure de sa taille démesurée. Celle-ci se situe dans les 15-20cm de haut !
Un porte-bonheur cette graine de Mucuna
Le guide cubain me confirme qu’elle donne des graines d’une importance capitale : des porte-bonheur. Mon regard balaye la couverture végétale, de droite à gauche, de haut en bas, le nez en l’air je finis par apercevoir ces gros yeux qui me scrutent depuis leur gousse ouverte, attachés à un fil tenu. Pas facile d’accès, tout ça ! Je saute, me tortille, impossible, le verdict est sans appel : trop petite de 20 bons centimètres. Zut. Mais comment ça pousse ce machin-là ? Je ne comprend pas tout de suite pourquoi ces gousses apparaissent de façon anarchique dans les feuillages, au beau milieu d’autres végétaux : c’est en réalité une liane qui trace son chemin comme elle l’entend et s’accroche où elle peut. Je suis du regard, zigzag entre deux branches… en voilà une plus accessible !
Une graine à collier
Ça y est je l’ai mon porte-bonheur de Cuba : une jolie graine marron, bombée, lisse, avec un liseré plus foncé sur la tranche. Cette légèreté, c’est l’indice de son mode de dissémination: elle flotte et se fait gentiment emporter par l’eau pour aller coloniser des contrées voisines. Encore une graine à collier que l’on trouve aussi en Martinique. Sa taille en fait la pièce maîtresse des bijoux, le pendentif autour duquel les autres graines, de moindre importance s’agencent de manière à la mettre en valeur.
Ca gratte sous les gousses de Mucuna
Elles sont deux ou trois par gousse, mais attention, moi et mes petites camarades de randonnée, on est prévenues : pas question d’aller déranger les yeux qui sont encore dans les gousses vertes. Elles présentent des poils fortement urticants, comme beaucoup d’espèces dans le genre Mucuna. De quoi décourager les prédateurs les plus gourmands ! D’ailleurs, Mucuna pruriens, que l’on retrouve souvent dans les champs de canne à sucre en Martinique, est surnommé poil à gratter (pois mascate), et ce n’est pas pour rien. Je n’ai jamais eu affaire à lui, mais visiblement, il a laissé une forte impression à tous ceux qui ont croisé son chemin. Des souvenirs… épidermiques.
Propriétés médicinales des Mucuna sp
Pour sa défense, Mucuna pruriens (le poil à gratter) a aussi des propriétés médicinales qui sont loin d’être anodines. Dans les graines et la gousse, un acide aminé précieux, le L-dopa qui est utilisé pour soigner la maladie de Parkinson ! Comme quoi, il ne faut jamais juger sur des apparences.
En réalité ses propriétés étaient déjà connues depuis longtemps, car on en trouve la trace en médecine ayurvédique. D’ailleurs, on voit du Mucuna bio à vendre en ligne un peu partout pour réduire le stress et augmenter la libido. J’ignore si ça fonctionne, mais ce qui est sûr, c’est que la dopamine (dont le L-dopa est précurseur) est un neurotransmetteur impliqué dans : désir sexuel, motivation, attention, motricité, addiction, psychose… elle est partout et sur tous les fronts ! Dès lors, est-il utile de jouer aux apprentis sorciers avec Mucuna pruriens, je n’en suis pas sûr. Laissons cela aux personnes qui souffrent réellement d’une maladie neurologique dégénérative et d’une atteinte des neurones à dopamine.
Le genre Mucuna, c’est une grande famille : plus d’une centaine de lianes en font partie.
Difficile de dire avec certitude quelle cousine j’ai pu croiser, mais il est fort possible qu’elle ait elle aussi des propriétés médicinales. La forme de la gousse, la couleur des graines, la localisation me font dire que c’est Mucuna urens, mais rien n’est sûr, Mucuna sloanei lui ressemble aussi beaucoup. Ainsi, en fouillant un peu sur le net, j’ai pu trouver en vrac des utilisations concernant les hémorroïdes (teintures alcooliques des graines… bah je suppose que ça porte bonheur comme ça aussi, hein), une expérimentation qui montre un effet spermicide sur les rats, une utilisation pour épaissir la soupe au Nigéria (euh.. vu les résultats sur les rats, c’est peut-être pas une bonne idée, niveau fertilité), la production de teinture noire et les poils urticants utilisés pour détruire les parasites intestinaux.
Attention, Mucuna sp peut facilement être confondue avec Dioclea sp. D’ailleurs, les graines sont appelées indifféremment Œil de Boeuf pour ces deux genres.
Source:
4 replies to "L’œil de bœuf guette dans les feuillages (Mucuna sp.)"
Bonjour,
Le L-Dopa n’est pas un acide aminé mais un précurseur de neuromédiateur (dopamine).
Comme on peut le lire à https://fr.wikipedia.org/wiki/DOPA cette substance ne peut pas être conseillée pour des troubles de l’humeur puisqu’elle a un effet dépressif, avec d’autres effets secondaires.
Merci pour cette précision Antigonos!
COUCOU, merci pour ton article, j’utilise cette plante pour mes problèmes d’humeur liées à mon etat de stress post traumatique. ca calme mon stress, mes angoisses et je dors beaucoup mieux depuis que je l’utilise. Mon île de la martinique regorge de trésor !
Merci beaucoup pour ce témoignage! Sous quelle forme l’utilisez-vous? En quelle quantité? Vous parlez de Mucuna pruriens? Merci de compléter, ça pourra sûrement aider les prochains qui passeront sur la page 😉