Oui, c’est utile de le rappeler. Une plante est un être vivant. Complet. Composé de pleins de molécules, de cellules, de gènes… comme nous. Ce n’est pas la molécule à laquelle on veut la réduire, ce fameux « principe actif » mis en avant pour avoir le droit de consommer cette plante avec la caution de la science toute puissante.

Le savoir des ancien dénigré au profit d’une médication moderne

Les anciens savaient déjà pour beaucoup des plantes qui sont à l’étude à l’heure actuelle. Ils savaient quelle partie utiliser, comment la transformer, quelle maladie elle était capable de guérir… Comment savaient-ils cela alors qu’ils ne savaient même pas que le machin-chose de méthyl ou le trucmuche de sodium se trouvait à l’intérieur ? Comment ont-ils pu consommer une racine aussi toxique que le manioc si elle n’est pas correctement préparée ? Par l’expérience. Et on a perdu beaucoup de ce savoir, tombé à jamais dans l’oubli, par désintérêt, par négligence, mais aussi en choisissant de le balayer d’un revers de main au profit de la science. Ces médications nouvelles étaient un symbole de progrès après guerre, d’élévation du niveau de vie et surtout de position sociale à l’époque où l’on cherchait avant tout à se sortir de la paysannerie dénigrée. « le bon sens paysan » n’est pourtant rien moins que des années et des générations d’expérimentation, oui !

Molécule active ou effet placébo ?

Ce savoir n’est pas tombé dans l’oubli pour tout le monde. Et ces propriétés des plantes, on a voulu les « normaliser », car il n’y a rien de plus terrible pour un scientifique de constater qu’une fois une plante va fonctionner et dans un cas qui semble similaire…non. Cette incertitude est aux antipodes du fonctionnement cartésien que l’on place en summum de l’intelligence si l’on en croit son importance dans les cursus scolaire.

Parfois, la science ne parvient pas (pas encore) à isoler cette molécule, ce principe actif. Rien n’y fait. Alors, la malheureuse plante n’est pas considérée comme efficace. On n’a pas pu « prouver » son efficacité, alors elle est reléguée au rang de vulgaire folklore local, croyance magico-religieuse d’un autre temps. Elle a eu beau rendre de bons et loyaux services jusqu’ici, la science a tranché : c’est sûrement l’effet placébo. Il a bon dos celui-là pour expliquer ce que la science n’est pas encore capable de prouver !

De la molécule au totum : un pas que la science a du mal à franchir

Mais moi je dis bravo à ces plantes qui ne laissent pas percer leurs mystères ! Même si elles sont traitées en paria, elles ont le mérite de nous rappeler qu’on ne peut pas les réduire à une molécule, un assemblage d’atomes. Ce sont des êtres vivants comme je le disais en introduction. Et leur effet sur notre organisme, tout aussi complexe que le leur, est dû à ce qu’on appelle le totum. C’est la plante complète qui agit. C’est pour ça que sur certaines personnes, dans certaines conditions, on observe certains effets qui ne sont pas forcément systématiques. Rien de magique là-dedans, c’est simplement la rencontre d’un être vivant avec un autre être vivant, dans leur globalité. Parfois ça marche, parfois non, c’est comme les rencontres 😉

Mais comment cette hypothèse pourrait elle séduire la recherche appliquée ? Qui a envie de ce type de conclusion ? Pas ceux qui font de l’argent avec les médicaments en tout cas : car si on peut consommer la plante telle quelle, pas de produit, pas de vente, pas d’argent… c’est des coups à mettre la clé sous la porte des raisonnements pareils !

Là où on marche sur la tête : les plantes sont gratuites !

Alors, on décortique ces plantes- qui pourtant apportaient leurs bienfaits sans rien demander à personne jusqu’ici. On nomme ce principe actif avec un nom savant, en rajoutant « ine » ou « ite » pour faire sérieux. Et quoi ? Oui, on a pu extraire et synthétiser artificiellement (on dit chimiquement, puisque c’est là que le pétrole intervient ; on parle donc parfois de « pétromédicaments ») ces composés par ailleurs fort utile. Cela répond à un raisonnement basique, binaire du type 1 symptôme = 1 molécule. Simplification extrême de la complexité du vivant
Mais ça permet de déposer des brevets sur ces spécialités médicamenteuses à l’origine directement issues de la générosité de dame nature et du savoir de nos anciens. D’où pensez-vous que partent les recherches pour fabriquer les médicaments de demain ? Donc ces petites molécules sous forme de cachets, comprimés et autres, qui font intervenir des procédés de synthèse chimique, nous sont revendus à prix d’or… à nous, aux populations.
Je ne reviens pas sur à qui appartient le savoir. Rendons-nous juste compte : ces plantes poussent à nos pieds (ou au-dessus de nos têtes), gratuitement. Oui, mais voilà on serait bien incapable de les nommer et les reconnaître ! C’est pas un truc de fou, ça ? On ne me fera pas croire que l’on ne marche pas sur la tête.

Se réapproprier le savoir des plantes médicinales

Il est donc important de se réapproprier ce savoir, non seulement sur l’usage des plantes, mais aussi leur reconnaissance, leurs caractéristiques botaniques. Et de les planter, dans votre jardin, sur votre balcon, où vous pouvez, où vous voulez. Et c’est aussi un peu pour ça que j’écris sur ce blog. Passer ce savoir, un maximum, le rendre accessible pour qu’on ne nous l’enlève pas, qu’il ne soit pas au main d’une petite élite peu scrupuleuse et avide d’argent et de pouvoir. Ce savoir, c’est le mien, le votre, le notre. Il est précieux pour les générations futures, alors ne le laissons pas nous filer entre nos doigts parce qu’il y a plus urgent, plus important, et puis que « bof, je m’y intéresserai quand j’aurais le temps »… Si certains peuvent s’en emparer, c’est parce que nous sommes trop nombreux à le délaisser.

    3 replies to "Une plante n’est pas une molécule. Et puis c’est tout."

    • Guillaume

      Bonjour Cécile

      Complètement d’accord avec toi. On peut même faire un parallèle avec les aliments non transformés et les compléments alimentaires. Il me semble que la complexité de la nature nous dépasse. Extraire une partie d’une plante, et l’ingérer en dehors de sa matrice initiale, ne donne souvent rien d’extraordinaire, voire des effets négatifs (j’ai le souvenir d’avoir lu une publi sur le beta-carotène des carottes)

      Je découvre ton blog a l’instant : j’adore le concept, un grand bravo à toi. Je vais te suivre avec grand intérêt, je me réjouis de te lire.

      Je comptais creuser le sujet des plantes médicinales dans quelques mois, pour comprendre ce qu’elles peuvent apporter à la santé des enfants (le thème de mon blog). Je pensais lire une dizaine de livres sur le sujet, pour atteindre un premier niveau de connaissances ; ce sera génial de pouvoir, en complément, m’appuyer sur tes analyses de spécialiste, surtout que ton angle d’approche (au croisement des disciplines) me parle bien et est très enthousiasmant.

      A bientôt !

      Guillaume

    • Cécile (Louzou)

      Bonjour Jean-François, un billet d’humeur, reste un billet d’humeur 😉
      Mais, allez, moi aussi j’aime bien les discussions, alors…

      Concernant les huiles essentielles, elles ne sont pas que l’extraction d’une molécule. Elles non plus on ne peut pas les réduire à ça quand on sait qu’on peut identifier au moins 200 composés…

      Synthèse chimique pour la protection de l’environnement? Il faudrait faire un bilan d’ensemble quand on sait que ça fait intervenir du pétrole tout ça… Est-ce que les méthodes toujours plus agressives pour aller exploiter le pétrole ne mettent pas en danger d’autres espèces? Est-ce qu’une synthèse des molécules qui nous intéressent ne nous permet pas tout simplement de se complaire dans l’idée-fausse- que l’on peut se passer des plantes? Par ailleurs, il y a malheureusement des effets de mode… un jour tout le monde se rue sur le noni, le lendemain c’est le baobab et puis vient le tour de l’If… Et puis, je reste sur ma position parce que je suis pas bretonne pour rien: il faut planter, planter, planter… pas se contenter de consommer.

      Tout à fait d’accord sinon pour réconcilier tout le monde. Je suis 100% pour une meilleure complémentarité, j’espère d’ailleurs que c’est l’idée générale qui ressort de ce blog. Je ne suis pas une extrémiste et je bénéficie moi-même de la médecine moderne et j’en suis bien contente. Malheureusement, aujourd’hui encore trop souvent notre médecine populaire est dénigrée. Les plantes ne sont même pas enseignées en fac de médecine! mais comment dire?
      Un billet d’humeur est un billet d’humeur!

      (signé Cécile… mais qui est cette Carole? 🙂

    • Jean-François Noulin

      Bonjour Carole,

      D’accord mais…
      Il y a un peu de la contradiction, pour ne pas dire de l’incohérence, dans le fait de défendre la plante dans sa totalité et celui de faire la promotion des huiles essentielles qui ne sont que des parties concentrées de la plante.
      Comme j’étais pharmacologue et parce que j’aime alimenter les discussions, je me ferai l’avocat des médicaments « modernes ». Il faut quand même leur reconnaître le mérite de la dose. Par exemple, quelle quantité de digitale prendriez-vous pour avoir le même effet que 0,1 mg de digitaline, sachant que l’index thérapeutique de la drogue végétale ou de synthèse est très faible, que la dose dans la plante dépend de la saison, de l’année et des conditions météos. Personnellement, je me tournerai vers le comprimé de 0,1 mg de digitoxine.
      Est-ce qu’on ne pourrait pas voir également l’aspect écologique de la synthèse ?. Prenons par exemple le cas de l’if du Pacifique. Et bien, il a acquis le statut d’espèce quasi-menacée depuis qu’on en extrait une molécule très efficace contre le cancer du sein. Je crois que si on lui demandait, il se réjouirait qu’on ait trouvé une molécule hémisynthétique chez son cousin européen, qui lui aimerait bien qu’on trouve une molécule complètement synthétique. Je ne suis pas naïf; je sais bien que les motivations de l’industrie pharmaceutique ne sont pas environnementales, mais la synthèse peut parfois avoir du bon.
      Il y aurait bien d’autres choses à dire mais ce qu’il faut retenir, c’est que la réalité est heureusement pleine de nuances et plutôt que d’opposer modernité et tradition, si on essayait de les réconcilier.

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