Avec le COVID, on a vu médiatisé un mal pourtant pas nouveau : la perte de l’odorat. Pourtant, que l’on ait perdu son odorat suite à un choc ou à une infection (ça arrive après une grippe sévère aussi), tant que le nerf olfactif n’est pas atteint, il semble qu’il n’y ait pas de fatalité. Oui ça peut revenir. Oui, ça revient, mais il est préférable de mettre toutes les chances de votre côté. Mais que de difficultés incomprises pour ceux qui vivent la privation de notre sens le plus discret. Rassurez-vous, ici vous êtes au bon endroit. Tous les amoureux des huiles essentielles et des parfums savent à quel point les odeurs sont importantes, vitales même et on n’a pas attendu ces nouveaux protocoles sortis d’on ne sait où pour faire des merveilles avec nos flacons ni connaître les incroyables pouvoirs des odeurs… même celles qu’on ne sent plus (eh oui!).
Des odeurs si indispensables
Comme bien des choses- et des relations- on ne se rend compte de l’importance d’une chose que quand on l’a perdue. Il en va ainsi de l’odorat, un sens qui pourrait sembler tellement optionnel dans une société moderne où l’humain ne se comporte pas comme un animal à flairer des pistes et pister sa pitance… c’est oublier que notre sens des odeurs nous permet de savoir si le dîner est en train de brûler dans le four, si ce reste de samedi a tourné au frigo, ou si on a laissé une bouilloire en plastique se liquéfier sur une plaque de cuisson brûlante et provoquer un début d’incendie (c’est du vécu : ça pue!) : bref, comme tout ce qui nous permet d’être en relation avec notre environnement, notre odorat veille sur notre survie, 24h/24. Mais ce n’est pas tout, il nous met aussi en appétit (ah l’odeur du pain chaud près de la boulangerie, si ça c’est pas de la manipulation de nos instincts primaires!), nous permet de reconnaître les êtres aimés et ce n’est pas qu’une question de confort : ça génère en nous des cascades de neurotransmetteurs, d’hormones, de souvenirs et d’émotions, toute une petite chimie qui se met en branle à notre insu et donne des couleurs à la vie.
Sur ce dernier point, et ça explique la tristesse réelle exprimée par les malheureuses victimes de l’anosmie, il faut bien comprendre que les odeurs influent sur notre humeur, nos émotions. Ne plus les sentir, c’est se couper de tous ces stimulis de la vie quotidienne.
Des odeurs qui influent sur nos émotions (même si on ne les sent pas!)
Pour cette raison, il est important de continuer à faire l’effort de sentir et de ressentir, même en cas d’anosmie. Et pourquoi pas, de se coller des odeurs à la peau grâce aux massages !
En effet, à défaut de ressentir les émotions par le nez, pourquoi ne pas utiliser le toucher ! Après tout, nous avons bien des récepteurs olfactifs sur la peau mais là n’est pas la question, car leur fonction est différente a priori de ceux que l’on a dans le nez. C’est surtout que par le massage les molécules aromatiques pénètrent dans l’organisme où elles vont délivrer leurs propriétés. L’action même de masser libérant des endorphines (oui, oui ça marche aussi quand on se fait un auto-massage même si c’est moins sympa), voilà une bonne manière de contrebalancer les effets émotionnels d’une privation d’odeur.
Mais ce n’est pas tout. Même en olfaction, vous pourriez être surpris des résultats. En effet, ce n’est pas parce que vous ne percevez plus l’odeur qu’elle n’est pas là ! C’est ainsi qu’a vu naître cette nouvelle discipline du « training olfactif » qui promet de rééduquer les récepteurs olfactifs et de réapprendre à reconnaître les odeurs. Comment ça fonctionne, ça on ne sait pas bien l’expliquer. Mais on a constaté que c’était possible, j’y reviens dans le paragraphe suivant. En attendant, deux infos à méditer :
L’essence de pamplemousse contient des mercaptans, la substance odorante la plus puissante au monde. L’odorat humain est capable de le détecter, même à des microdoses, c’est fou, non ? Notre odorat à nous, pas celui d’un limier hyper-entraîné !
Une étude a permis de mettre en évidence (je n’ai plus les références sous la main) que l’huile essentielle de lavande permet de faire baisser le stress d’un groupe testé, même à des concentrations en-deça du seuil de détection ! En clair, on ne sent pas l’odeur, mais ses bénéfices sont là. Voilà un argument de taille pour faire entrer les huiles essentielles au quotidien dans votre vie si vous avez perdu l’odorat. Car il n’existe pas d’odeur plus concentrée que celles-là. On a littéralement mis des odeurs en flacons grâce au procédé de distillation à la vapeur d’eau qui permet de concentrer les molécules aromatiques. D’ailleurs, pour les exercices d’olfaction classique, on va parfois conseiller aux personnes de diluer l’huile essentielle pour retrouver une concentration plus « naturelle », plus proche de ce que serait l’odeur de la plante. Donc avec des assistantes aussi incroyables à l’odeur puissante, nul doute que s’il y a encore quelques récepteurs olfactifs dans les parages, elles vont aller les solliciter. Pour moi, le training olfactif est donc à 100% indiqué en cas d’anosmie.
Critique du protocole de rééducation olfactive (association anosmie.org)
Ce protocole est téléchargeable ici sur le site de l’association : https://www.anosmie.org/reeducation-olfactive-2/
Cependant, j’émet des réserves sur ce protocole pour plusieurs raisons que je souhaite partager ici. Déjà, rendons à César ce qui appartient à César, ce protocole a été largement calqué sur les travaux de Hummel datant de 2009 : « Effects of olfactory training in patients with olfactory loss »
. Ce professeur de l’université de Dresden a mis en évidence qu’en reniflant chaque huile essentielle pendant vingt secondes matin et soir, 45% des personnes testées ont retrouvé leur odorat, alors que seulement 22% des personnes ont récupéré sans cet accompagnement. Génial non ?
Oui, sauf que beaucoup de choses ont été modifiées pour ce nouveau protocole et visiblement c’est le fait de personnes qui ne connaissent pas l’aromathérapie et les huiles essentielles.
1- Délivrer l’odeur pour le training olfactif
Dans l’expérience de Hummel, il utilise des sticks inhalateurs (ces tubes en forme de stylo contenant l’huile posée sur une mèche de coton, tenus juste à l’entrée de chaque narine). L’huile essentielle est ainsi délivrée dans toute sa puissance, directement dans le nez. Pas de perte d’information, la pratique est conforme à ce qu’on fait en olfactothérapie en général. Dans le protocole qui circule activement sur les réseaux, et qui a le mérite, lui d’être en français, c’est radicalement différent. Les huiles essentielles sont censément utilisées diluées, ce qui ne se justifie pas ici au vu de la problématique puisque les personnes ont du mal à percevoir les odeurs ! D’autre part, elles sont « diluées » dans l’eau, ce qui est impossible sans l’utilisation d’un dispersant. La réalité est donc qu’elles flottent au-dessus de l’eau dans le récipient en question. L’eau étant par essence sujette aux contaminations bactériennes, même avec la présence d’huile essentielle par dessus, ça me semble une idée saugrenue d’aller renifler ce bouillon de culture. Heureusement, on nous dit de le balancer tous les 15 jours (quel gaspillage!). De plus pour l’huile essentielle de girofle dont la densité est supérieure à celle de l’eau… elle se retrouve sous l’eau et non pas comme les autres sur l’eau, donc il faut être d’autant plus entraîné pour la déceler. Ca me paraît tellement aberrant que des choses comme ça soit véhiculées aussi largement mais bon, continuons.
L’étude plus récente de Damm (2013) : « Olfactory training is helpful in postinfectious olfactory loss » se concentre sur l’anosmie consécutive à une infection (c’est le cas qui nous concerne avec le COVID!) et démontre que l’utilisation de concentrations plus élevées pour le training olfactif est bénéfique ! Un argument supplémentaire pour ne pas chercher à diluer.
Par ailleurs cette étude montre nettement des résultats bien meilleur pour ceux dont le dysfonctionnement de l’odorat date de moins de 12 mois : ne traînez pas à faire votre rééducation !
2- Le choix des huiles essentielles pour l’ « olfactive training » (OT)
Dans ce nouveau protocole il est précisé que les huiles essentielles ne sont pas utilisées pour leurs vertus cérébrales… ce qui va à l’encontre de toutes les études démontrant qu’elles ont un impact cognitif, notamment sur la mémoire pour certaines, ce qui pourrait aider ici. Des auteurs reconnus ont même consacrés des ouvrages entiers sur l’utilisation des odeurs dans la maladie d’Alzheimer (voir Willem) !!! Faire l’impasse sur cet aspect, c’est comme dire qu’on mange uniquement pour le goût et pas pour les nutriments !
De plus, on a la surprise avec ce nouveau protocole de voir deux nouvelles odeurs ajoutées. Il y a certainement là encore une lecture trop succincte des premiers travaux de Hummel et des raisons du choix des 4 huiles essentielles initiales, raisons strictement rationnelles et liées à la composition chimique de celles-ci, leurs propriétés et du lien des constituants avec nos fonctions gustatives.
- Le clou de girofle, riche en eugénol est associé avec l’amer
- L’eucalyptus globulus, riche en eucalyptol (oxydes) est associé avec le piquant
- Le citron, riche en citronnellal (aldéhydes) est associé avec l’aigre et l’amer
- La rose, riche en géraniol (monoterpénols) est associée avec le sucré
En Ayurveda, l’amer améliore le goût et le piquant est associé aux poumons et au système immunitaire par exemple !
Ensemble, ces huiles essentielles stimulent le système immunitaire, peuvent soulager les sentiments de dépression, de chagrin et d’anxiété et instiller un sentiment de chaleur, de se sentir ancré. Par exemple, l’huile essentielle de clou de girofle est antivirale, stimule la mémoire et soulage la dépression; l’eucalyptus globulus est antiviral, et est mentalement et émotionnellement stimulant; le citron est antimicrobien, évite le rhume et la grippe et soulage le stress; la rose soulage la toux et le chagrin, le deuil et le sentiment de perte. Ce choix est donc pensé judicieusement.
La menthe poivrée, au-delà de l’aspect anesthésiant lié au menthol est riche en menthone, une cétone neurotoxique et qui va donc éventuellement avoir un impact négatif sur le système nerveux que l’on cherche à reconstituer est un choix curieux. Pour la même raison, je remplacerai l’eucalyptus globulus par de l’eucalyptus radié si j’ai le choix.
L’extrait de café, qui n’est pas une huile essentielle et est synthétique ne présente pas le même intérêt. Ces ajouts procèdent davantage du goût de l’auteur que de la réflexion scientifique. Je déconseillerai formellement de s’écarter du protocole de Hummel, que ce soit pour le choix des HE (même si la Rose, coûteuse pourra être remplace par du géranium rosat dont l’odeur et la composition sont approchantes), ou pour le mode d’utilisation, le stick restant la meilleure option, suivie de l’olfaction au flacon tout simplement.
3- le training olfactif oui, le pictionary, non
Dans ce protocole, il est proposé de réaliser les olfactions en aveugle et de tenter de reconnaître les odeurs. C’est très sympathique pour un jeu en soirée, à la façon de ce qu’on trouve dans les coffrets de découverte du vin et de ses arômes (cerise ! C’est l’arôme de cerise ! Ah non loupé c’était la vanille oups…) mais pour retrouver l’odorat, c’est plus contestable. En effet, c’est se priver de la capacité du cerveau à associer une image mentale, celle de la plante, avec son odeur, ce qui est tout de même la base de comment on apprend à reconnaître des odeurs depuis notre naissance. Je recommanderai donc ici aussi d’être raisonnable et d’effectuer l’exercice en se concentrant dans un premier temps sur ce que ça doit sentir. Quand les odeurs commencent à revenir, vous pouvez vous entraîner « à l’aveugle ».
4- entraînement olfactif mais pas surentraînement !
Enfin, le mieux est l’ennemi du bien. Pour ceux qui seraient tenté de sniffer des sticks olfactifs toute la journée pour recouvrer plus vite leur odorat, c’est loupé, une autre étude a montré que le faire 2 fois par jour était optimum ! N’oubliez pas qu’à chaque fois que vous mangez, c’est aussi l’occasion d’un entraînement : par olfaction des aliments dans l’assiette mais aussi en utilisant la rétro-olfaction ! On confond souvent avec le goût. Pourtant les récepteurs du goût dans la bouche ne permettent que de différencier les 5 saveurs : amer, acide, sucré, salé et … l’umami (ceux qui ont regardé Top Chef cette année savent). Donc quand on parle du goût d’un aliment en sous-entendant son odeur… c’est de la rétro-olfaction. Exemple : vous vous brossez les dents, quelques minutes après, bouche fermée, vous pouvez « sentir » l’odeur du dentifrice. En général on « mâche » de l’air que l’on souffle par le nez pour avoir cette sensation. Il est aussi possible d’utiliser les huiles essentielles sur un support en bouche pour solliciter cette olfaction un peu particulière. Elle pourrait être ajoutée à ce protocole pour le mieux !
Comment être accompagné dans ma rééducation olfactive
Même si je trouve très chouette que des bénévoles s’attaquent à la vulgarisation de la recherche scientifique sur l’anosmie, force est de constater les limites de ce qui est proposé par méconnaissance de l’outil principal : les huiles essentielles. Il est indispensable, à mon sens, de coller au protocole d’origine et aux règles de bonne utilisation des huiles essentielles. Par contre, se rapprocher de cette association et échanger avec d’autres personnes me semble être une bonne idée pour ne pas se laisser aller à l’isolement, et c’est pour moi toute la valeur de l’action de anosmie.org. De plus, ils ont eu le mérite de médiatiser largement l’utilisation des huiles essentielles contre l’anosmie, qui sont à l’heure actuelle la seule piste de soin possible !
Concernant le recours aux huiles essentielles, avec toutes les limites d’usage que cela peut représenter, je vous inviterai, pour aller au-delà du protocole à vous rapprocher de praticiens en olfactothérapie ou en aromathérapie sensible, spécialisés dans la sphère émotionnelle et les traumas. Ils pourront adapter le choix des huiles essentielles à vos progrès ! Si le sujet vous intéresse pour vous spécialiser et apporter un accompagnement, le programme en ligne Propylée sur l’aromathérapie énergétique aborde ces sujets et bien d’autres. Vous pouvez le découvrir en cliquant ici:
Je serai très heureuse de lire vos témoignages en commentaires pour ceux qui ont utilisé les huiles essentielles dans le cadre de leur anosmie !
9 replies to "Anosmie : des protocoles de rééducation olfactive avec les huiles essentielles"
Bonjour Cécile. Merci pour cet article de qualité (comme toujours d’ailleurs ). Je souhaiterais une précision concernant le début de cette rééducation : de suite, J+15 ? (anosmie.org) ou 20 J pour d’autres.
De plus il serait intéressant de dire que de nombreuses personnes souffrent de « fantosmie » odeurs fantômes jamais agréables (cigarette, feu, excréments……). Elles ne savent pas que cela est possible et sont très handicapées car provoquant des maux de tête, nausées…..
Merci
Merci Karine, vous avez raison de préciser sur ces odeurs fantômes je n’y avais pas pensé! Ca fait partie du « package » malheureux on va dire… C’est de suite. Plus tôt c’est pris mieux c’est!
Bonjour Cécile, j’ai suivi le cours sur Huiles Essentielles de Elske Miles et ce qu’elle conseille et je l’ai transmis a une de mes amies atteinte d’anosmie post Covid c’est d’utiliser ces HE (Romarin CT cinéol, les agrumes citron, mandarine, orange, ceux qui sont riches en 1,8 cinéol comme l’eucalyptus radiata, et puis le Laurier noble et le Ravintsara) pour olfaction 2 fois par jour et puis l’HE de Gingembre sur un comprimé neutre sous la langue pour la retro-olfaction et le goût. Pour ce dernier aussi le Basilic exotique et le Poivre Noir.
bonjour,
Pour info, les orthophonistes sont habilitées à faire la rééducation de l’anosmie post covid.
Je suis orthophoniste, et formée à l’aromatherapie scientifique, sensible et energetique.
Je partage ton opinion concernant le support.
Si je suis sollicitée, je travaillerai avec des touches de parfumeur, et avec des sticks olfactifs. JJe n’ai pas du tout compris pourquoi il était parlé de support aqueux, ni de dilution!
ET je pense qu’il faut travailler non pas en aveugle, mais en présentant le stimulus visuel ( photo de la plante ou fruit) avec l’odeur pour recreer l’association. Comme il est préconisé de le faire avec le s patients alzheimer qui souffrent eux aussi de dysosmie voire d’anosmie .
( voir les travaux du docteur Willem et de Patty Canac)
J’ai aussi été très etonnée qu’on propose l’HE de rose, quand on connait son prix!!!
Merci pour cette précision Pascale! C’est vrai, j’ai oublié de le préciser, j’avais oublié que les orthophonistes le faisaient. Je vais l’ajouter. Et 100% d’accord avec toi sur l’association visuelle ou au moins image mentale.
Bonjour
J’ai moi aussi perdu l’odorat et le gout depuis maintenant presque 6 mois.
Parfois, cela revient mais reste encore difficile.
je suis en Loire Atlantique et souhaiterais rencontrer une personne ayant votre formation, afin de m’aider.
Etes-vous dans ce département, où pourriez-vous m’indiquer un(e) de vos collègues ayant le même parcours que vous ?
Merci à vous
Bonjour il me semble avoir vu sur le site un article sur la réduction du sifflement dans les oreilles, merci de m’indiquer le lien
Cordialement
Merci Cécile pour cet article
Atteinte d’anosmie et suivie par ailleurs, on m’a conseillé ce fameux protocole avec des HE dans l’eau, j’ai trouvé ça très curieux et j’ai choisi l’olfaction directe en effet.
Pour le choix des huiles, on m’a parlé d’un résineux, un épicé, un floral, un fruité…
Pour le jeu à l’aveugle c’est en effet difficile car si les odeurs reviennent elles sont dénaturées et n’ont plus tout à fait la même odeur…
merci
Merci Céline pour ton témoignage. L’ajout d’un résineux est effectivement préconisé par Franchomme. C’est toujours intéressant en plus d’avoir une HE à pinènes, cortison-like en cas de fatigue 😉
Je suis d’accord pour moi le jeu à l’aveugle est un « jeu » et met en plus la personne en échec au démarrage