Médecin préparant une potion. Illustration d’un manuscrit (daté de 1224, peut-être de Bagdad) traduction en arabe du De Materia Medica de Dioscoride (vers 40-90 apr. J.-C.); Metropolitan Museum of Art [Public domain]

Non sans mal, après quelques correspondances manquées, des retards inexplicables et des places assises subtilisées sous votre nez, vous arrivez enfin à la bibliothèque François Mitterand où sont conservés les ouvrages et leurs copies que vous convoitez. Vous remplissez le formulaire, fournissez les papiers d’identité et attendez patiemment que la bibliothécaire revienne avec son chariot rempli de vos précieux trésors.

Aussitôt, vous plongez dans la lecture qui vous fait faire des bonds de siècles en siècles. Un événement technologique majeur retient votre attention : l’invention du serpentin. Après la gouttière des ambikos grec qui permettait au distillat de ne pas retomber dans la cuve et de subir une nouvelle cuisson, il semble bien que ce serpentin soit un nouveau bond pour le progrès de la distillation : c’est à partir de là qu’on sera capable de distiller de l’alcool ! En effet, pour obtenir ce produit, il faut refroidir rapidement les vapeurs d’alcool avec de l’eau froide (ce que permet justement la technique du serpentin, qui baigné dans un cylindre rempli d’eau à renouveler permet de refroidir les vapeurs).

La paternité de cette invention est attribuée à Avicenne au XIème siècle, dont le célèbre « Canon de la médecine » est parvenu jusqu’à nous à travers les siècles. Il reprit notamment les travaux de Geber (IX ème siècle, Jabir Ibn Hayyan qui cite lui-même… Zozime !). Dans les ouvrages d’aromathérapie, il est fréquemment fait mention de Avicenne qui aurait pu obtenir la première huile essentielle de rose pure de l’Histoire.

Information qui semble erronée puisque la séparation de l’huile essentielle et de l’eau florale nécessite un essencier… dont on ne trouve la première trace qu’au XVIème siècle !

Toujours est-il que cette technologie d’origine arabe passe en Occident, certainement par l’intermédiaire de la guerre sainte, des Croisades et de l’ordre des Templiers. C’est Salernus (XIIème siècle), physicien à Salerne et à l’origine de l’école qui jette un pont entre Orient et Occident. Ce sont les débuts de l’Alchimie en Occident grâce aux traductions de l’arabe en latin. Pour la première fois il est fait état de la distillation de l’alcool. Le vocabulaire de l’époque est largement emprunté à l’arabe puisqu’on voit apparaître des termes comme élixir (al Iksir, lui même emprunté au grec Kseron, le médicament), alambic (al Inbiq, venant lui même de l’ambix grec, vase à distiller), alcool (al Khôl)…

A ce moment-là, l’ « eau ardente », ou « eau de vie » était un remède réservé aux médecins et aux apothicaires, voire même un elixir de jouvence. Les abbayes s’en emparent également très tôt. Ainsi, il a été dit que les abbayes irlandaises distillaient déjà l’eau bénite (uisce beatha) en 1170. Quand on considère le nombre d’alcools et de liqueurs qui nous viennent aujourd’hui des monastères : eau de mélisse des Carmes, Chartreuse, Bénédictine, Génépi… quel héritage ! Tout ça grâce aux alchimistes. D’ailleurs, la plupart de ces alcools à base de plantes sont toujours considérés comme ayant des propriétés médicinales, pour la digestion notamment. Certains sont même estampillés élixirs ! De là à parler d’élixir de jouvence ou d’élixir de vie…

Sur ces considérations spiritueuses… vous décidez de remettre à demain la fin de votre labeur. Vous faites mettre de côté les ouvrages que vous ne pouvez pas emporter et profitez de votre présence dans la capitale pour aller flâner sur les bords de Seine du côté de l’île de la Cité. Une belle surprise vous y attend en ce beau dimanche…

Rendez-vous pour la suite au jour 15