Pour ce travail sur l’huile essentielle de Crithme marine, j’ai profité d’être dans sa région pour expérimenter un travail nouveau ou plutôt renouer avec une pratique que j’avais auparavant. J’avais envie de « dialoguer » avec la plante et son essence avant de décortiquer les propriétés et la composition de son huile essentielle. De ce fait, cet article est écrit exactement en sens inverse des précédents. Une nouvelle façon d’aborder les fiches !

Depuis quelques jours, ce flacon d’huile essentielle de Criste marine que j’ai depuis un moment et que je n’ai jamais utilisé a commencé à me « parler ». Je ne sais même pas pourquoi je l’ai acheté, je crois que son nom m’avait attiré. Ca sonnait comme un prophète marin. J’imaginais un parfum divin.

Mais en olfaction, j’ai toujours été jusqu’ici rebutée par son odeur de carotte iodée à peine dissimulée par une petite note citronnée (cette description fait rêver, non?). Pas que j’en sois tombée follement amoureuse dernièrement, non loin de là. Mais elle me fait du bien. A force de la respirer, j’ai décidé d’aller la rencontrer dans son milieu. Je sais qu’elle pousse sur les côtes bretonnes même si je ne sais rien d’elle. Par contre, je suis formelle, je n’en ai jamais vu. Oups… apparemment, on ne voit que ce qu’on a envie de voir. A peine le pied posé sur le sentier des douaniers avec la ferme intention de la débusquer, voilà qu’une immense colonie de Criste marine se dévoile.

criste-bretagne-halophile

En fait, je suis passée à côté d’elle des centaines de fois sans lui accorder un regard, confondant ses ombelles avec celles de voisines moins prestigieuses (comme… la carotte sauvage!). Aujourd’hui, je n’ai même pas à la chercher, je la vois et je suis sûre que c’est elle. Je m’en assure en m’aventurant prudemment au bord de la falaise à pic, en découpant délicatement une de ses feuilles grasses. C’est la même odeur… c’est elle, je le sais depuis que je l’ai aperçue au loin. Je m’assois au-dessus de la mer, sur la roche brûlante du soleil de l’après-midi. Je la caresse, je la respire, j’ai très envie de la croquer mais je n’ose pas encore la goûter. Je ferme les yeux. Je vais tenter de retranscrire les images, les mots et ressentis.

Je n’enracine pas, j’accroche, j’agrippe, je rattrape.

Je suis le roc, je suis la roche. Je me fond dans le minéral.

Je résiste au temps et aux tempêtes

Je suis le point fixe autour duquel l’univers s’enroule et défile à toute vitesse.

Même le temps n’a pas prise sur moi.

Je suis invisible, insignifiante mais résistante à l’extrême

Je ne suis ni la force ni la douceur.

Je suis toute en sobriété. Pas d’extravagance inutile. Je suis, j’existe sans honte ni splendeur.

Je plante dans le roc mes tridents. Je veille sur l’océan, mon pendant dans le mouvement. Autour de mon promontoire, tout bouge, le vent, la mer, les éléments, mais je m’élève sur peu de fondement, encore que, modérément. Une anfractuosité, et me voilà arrimée. Je pose mes racines comme d’autres jettent l’ancre.

Je suis dure, mon essence avec ses traits anguleux, est de celles qui rebutent. D’un portait taillé à coups de serpe, je suis le marin sur son bateau, le capitaine de ma vie, de la vie qui s’enroule autour de moi dans ses turpitudes et ses joies. Pas de prise, seule mon assise et mon tempérament. Je ne m’exprime pas, j’existe.

Je suis celle qui initie à la force intérieure celle qui ne dépend de rien d’extérieur. Celle qui apprend à puiser en ses ressources au milieu de la tourmente.

Je pique le nez, je chatouille de mon air iodé et minéral avant d’ancrer fermement dans l’ici et maintenant. Note de tête et travail de fond.

Je soulève les montagnes rien ne m’est du, tout se gagne. Le temps fait son œuvre. Je me joue des obstacles, je perce la pierre. Pas de demi mesure pas d’esclandre. J’aurais raison à l’usure.

Parcimonie et longueur de temps.

Cette plante est l’ascète, sans fioriture ni trompette, elle a pour elle le temps.

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Aromathérapie énergétique de l’huile essentielle de Crithme marine

Je n’ai trouvé aucune information sur cet aspect. Ca m’étonne et ça me gêne car autant pour certaines huiles essentielles je comprend, rien ne se passe, autant pour celle-ci, je trouve qu’elle est extrêmement bavarde. Je me lance donc dans une interprétation toute personnelle et je reste ouverte à vos ressentis, chers lecteurs qui viendront compléter je l’espère ce maigre paragraphe.

Pour moi elle est clairement connectée au premier chakra, à notre ancrage, notre identité qui ne s’affirme pas en réaction aux turbulences extérieures, quand bien même nos fondements seraient fragiles en apparence, dépourvu « de prise ». Elle me parle de résilience, de patience. Je ne trouve pas que ce soit une huile essentielle particulièrement dynamisante, au contraire, elle pousse au repli, au calme, à l’économie des énergies, un retour à la terre, à la matrice. D’ailleurs après cette séance d’olfaction in situ, j’ai eu beaucoup de mal à rentrer à pied, je n’arrêtai pas de trébucher comme si j’avais oublié que j’avais un corps à mouvoir dans un environnement marqué par la gravité !

Son message : Patience et persévérance. Humilité et résilience.

Propriétés de l’huile essentielle de Cristhe marine

Elle ne fait pas qu’émouvoir le promeneur de bord de chemin ! Son huile essentielle a des propriétés intéressantes, qui ne sont pas sans faire écho au texte d’introduction inspiré par la présence de la plante dans son environnement :

Ce que je note, cette image du temps qui file à toute vitesse, qui était très prégnante lors de cette méditation olfactive avec la plante dans son élément naturel. Son huile essentielle est utilisée comme soin anti-âge, et ça ne date pas d’hier, on la trouve dans des préparations cosmétiques du commerce. Elle est raffermissante, régénérante ce qui la rend indiquée sur les peaux mâtures.

Le côté ascétique de cette Christe accrochée à trois fois rien, semblant ne se nourrir que de sel et d’embruns. Eh bien, son huile essentielle a des propriétés diurétiques, drainantes, fort utiles sur la rétention d’eau et la cellulite ! Alors ça aussi, c’est amusant pour une plante « grasse », qui stocke l’eau dans des feuilles plutôt dodues (elles font « crac » quand on les casse, un peu comme une feuille d’aloès et sont délicieuses, très salées. J’apprend par la suite que ça se mange en salade ou cuit).

L’image du marin buriné dans la tourmente de la tempête, très associé à cette plante dans l’introduction : figurez-vous qu’elle était utilisée contre le scorbut pour sa vitamine C. Elle a donc été pendant très longtemps la compagne des grandes traversées et des marins au long cours. Pas de vitamine C par contre dans notre huile essentielle. Pas plus que d’iode ou de sel : ces éléments ne passent pas la distillation.

Ce qui est très étrange, comme le note Laurence Coiffard dans son « Aperçu historique sur l’utilisation médicinale et alimentaire du crithme maritime (1991) c’est la disparition soudaine de cette plante au début du XIXème siècle de notre pharmacopée après tous ces bons services rendus !

« On retrouve mention de ses usages médicinaux dans l’Antiquité. Hippocrate, par exemple, préconise l’utilisation des fruits et d’infusion de la plante dans du vin pour atténuer les douleurs de matrice. Dans la Rome antique, les médecins s’intéressent également au crithme. Rufus, dans son Medicus, vante les qualités de la plante dans le traitement des affections de rein et de vessie. Une monographie du crithme subsistera jusqu’à l’édition de 1837 de la Pharmacopée française. Mais au début du XIXe siècle, il sombre peu à peu dans l’oubli et son usage est cantonné au domaine alimentaire. »

Mais à noter une dernière propriété pas si commune de l’huile essentielle, elle est anthelminthique, antiparasitaire (vermifuge) grâce aux éther-oxydes qu’elle contient.

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Composition de l’huile essentielle de Crithmum maritimum

  • Monoterpènes : béta-phellandrène (15-20%), gamma-terpinène (25-50%), para-cymène (5-6%), sabinène (3-4%)
  • Phénols méthyl-éthers : thymol méthyl-éther (5-6%)
  • Ether-oxydes : apiole (5-6%)
  • Coumarines

Pour plus d’informations sur la composition, notamment la différence entre les huiles essentielles du Sud (Marseille) et de la côte atlantique (Nantes), les moments de récolte propices (été ou printemps respectivement), les rendements, je vous invite à consulter… la suite des travaux fort intéressant de Coiffard ici: Geographical variations of the constituents of the essential oil of Crithmum maritimum L., Apiaceae. 

On y apprend que là le dillapiole est présent… à plus de 25% ce qui n’est plus du tout la même musique en terme de toxicité ! De plus la composition diffère entre les deux provenances, ce qui nous amène à éventuellement demander la chromatographie dans le cas de cette huile essentielle, de manière à comprendre ce que nous avons en main. L’estragole et le trans-anéthole sont présents en forte quantité tandis que les monoterpènes ne sont là qu’à l’état de traces !

Cette autre étude nous montre des variations nord-sud en Grèce et compare plusieurs pays méditerranéens (Espagne, Italie, Grèce)

« Les principaux composants de l’huile se sont révélés être le dillapiole, le gamma-terpinène, le sabinène, le limonène et le beta-phellandrène. Les populations occidentales étaient plus riches en dillapiole, alors que les prélèvements plus au sud ont été caractérisées par des quantités accrues de thymol méthyl-éther et gamma-terpinène. Les profils chimiques italiens se différencient par les contributions significatives de carvacrol méthyl-éther et l’isoterpinolène. »

Par contre pas de mention d’estragole ou de trans-anéthole. Ceci dit, l’olfaction de la plante bien vivante ou de mon huile essentielle n’a pas révélé ce type d’odeur notez bien. Intéressant aussi, le dillapiole n’a jamais été détecté dans les échantillons de Grèce !

Bref, on ne retrouve nulle part la même composition… ne croyez pas cette criste là sur parole… elle est visiblement d’humeur changeante.

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Dangers et contre-indications de l’huile essentielle de Crithme marine

La présence d’ether-oxydes (apiole, dillapiole) rend cette huile essentielle suffisamment délicate d’utilisation pour la réserver à l’adulte . On évitera également, au vu de la toxicité de ces composés aussi présents dans l’huile essentielle de Persil de l’utiliser chez la femme enceinte.

Toutes les voies sont a priori intéressantes, en fonction de l’usage que l’on souhaite en faire. Ceci dit, la diffusion apparaît peu adaptée, à cause des phénols méthyl-ethers (ME), le thymol ME notamment qui peut irriter les voies respiratoires. Pour ma part en olfaction je ne rencontre pas de soucis, mais c’est dit.

La présence de monoterpènes en grande majorité indique une huile essentielle irritante pour la peau donc à utiliser diluée (20% max). Comme d’habitude, de toute façon. Enfin…

La présence de coumarines, typiques dans la famille des apiacées, m’alerte un peu chez Franchomme. On sait que certaines sont photosensibilisantes. Ce n’est pas le cas ici si j’en crois mes recherches, mais je n’ai pas d’informations sur la nature et la quantité des coumarines présentes ou si elles y sont (pas mentionnées chez Coiffard)… prudence donc.

Utilisations et voies d’administration de l’huile essentielle de Criste marine

Voie cutanée

La voie la plus logique pour l’aspect cosmétique, les crèmes anti-âges comme les massages anti-cellulite. Attention dans un cas comme dans l’autre la dilution ne sera pas la même !

On peut également utiliser sur les jambes lourdes, les capitons, la rétention d’eau. C’est du à la quantité de monoterpènes non négligeables qui sont rappelons-le néphrotoxique et pour (bonne) cause : ils font travailler les voies urinaires et favorisent donc l’excrétion d’eau

J’ai également trouvé une référence à une utilisation en cas d’hypothyroïdie (goitre).

On pourra aussi utiliser, en massage du ventre (diluée) cette huile essentielle contre les parasites intestinaux (vers).

Je m’étonne de l’absence de référence concernant cette huile essentielle sur la douleur au vu de la présence de paracymène, un antalgique percutané puissant qu’on retrouve notamment dans l’huile essentielle de Poivre noir, d’Origan, de sarriette ou de Marjolaine… 

perce-pierre
Un peu plus tard en saison, des couleurs plus automnales

Voir orale

La voie orale peut éventuellement être utilisée à cet effet (contre les vers) avec prudence étant donné la toxicité. Il faut maîtriser le dosage.

Voie atmosphérique

La diffusion ne semble pas être adaptée. Elle aurait une action insecticide (à cause du dillapiole? Voir étude déjà mentionnée de Tsoukatou).

En ce qui me concerne, je trouve l’olfaction très apaisante sur le plan psychique, bien que je préfère l’olfaction des feuilles fraîches, moins entêtantes. Elle est « ancrante » mais j’ai trouvé peu voire aucune documentation sur cet aspect, ce qui me laisse perplexe. Il semblerait que notre fenouil marin ou « perce-pierre » comme on l’appelle aussi soit le mal-aimé des livres d’aromathérapie. Le pauvre, chassé comme un malpropre de notre pharmacopée après avoir passé toute sa carrière à sauver des marins… zouh, bon pour la réforme !

On la trouve assez peu dans les formules disponibles sur le net ou dans les livres. La raison en est assez simple : nous avons des huiles essentielles plus réputées et souvent avec moins de risque de toxicité pour chacun de ses usages, et en plus moins chères. C’est clairement une huile essentielle que l’on utilise « en cure » pas sur du long terme. Pour autant, l’huile essentielle Criste a du caractère, ça peut être un argument ! On n’a pas tant que ça de plante halophile (qui aime le sel) dans notre aromathèque… c’est tout de même original. Originalité qui a aussi un prix, au vu des faibles rendements en huile essentielle de la plante.

Téléchargez la fiche n°64:

FicheHE64-cristemarine

 

 

 

 

    7 replies to "Ce que dit la Criste, n’est pas parole d’évangile ! (Huile essentielle Crithmum maritimum)"

    • citronnelle

      Bonjour, la criste marine contient entre 5 et 8 % de paracymène, molécule antalgique mais vu son prix pour cette propriété, on a tout intérêt à se tourner vers d’autres HE. Vous citez la Marjolaine comme contenant la molécule paracymène anti douleur. vous ne spécifiez pas le chémotype, j’ai donc regardé chez AZone le seul site à donner dans le détail la chromatographie des HE vendues et les 3 marjolaines sylvestre, à coquilles ou CT thujanol ne contiennent pas de paracymène ? Peut être cela dépend de la saison de la récolte ….

    • agnas

      Chère Cécile,
      Merci pour votre partage. Puis-je savoir où puis-je acheter cette huile essentielle?
      Merci!

    • Patrick

      Super, Cécile cette fiche sur la Criste Marine, je vois que tu as bien mis à profit, tes vacances en Bretagne !
      Juste une question, comment peut on rajouter cette fiche ainsi que celle de l’Atoumo et les futures dans l’application Plante Essentielle ?
      Aromatiquement.
      Patrick

    • Valerie 123Dégustez

      Bonjour Cécile,
      Lorsque j’ai vu écrit Criste marine, j’ai sauté sur cette fiche.
      J’adore ta description de cette plante.
      Récemment j’avais lu une recette avec la crise marine et je n’avais qu’une hâte, d’y gouter.
      Et par chance, en vacances la semaine dernière sur la côte vermeille, j’en ai découvert au milieu de la balade sur le chemin côtier. J’étais comme une gamine qui a trouvé un trésor !
      Je l’ai gouté en salade, blanchie 1 minute. Un pot est en train de patienter avec du vinaigre. Et je m’apprête à faire une sorte de pesto avec le reste. C’était une formidable aventure gustative.
      Belle soirée
      Valérie

    • Raph

      Bonjour,
      Très intéressant.
      Petite remarque : des peaux matures, sans accent.
      Cordialement

    • Autant

      Bravo et merci pour votre texte, vos impressions, votre ressenti et surtout l’humour que vous ajoutez à votre écriture tout en laissant transpercer l’amour de votre Être pour la Terre et la Mer qui la nourrit .
      J’avais l’impression en vous lisant d’être à vos côtés quelque part au bord de l’Atlantique à respirer en olfactive la Criste.
      Je l’ai découverte il y a de cela 60 ans à l’Île Madame petite Île où l’on peut s’y rendre à pieds à marée basse. elle se situe à l’embouchure de la Charente entre Île d’Aix et fort Boyard.
      Par contre je n’en connaissais pas ses bienfaits.
      Je souhaiterais que beaucoup de personnes puissent lire vos textes. Cela leur donnerait j’en suis persuadée envie de découvrir les huiles et leurs bienfaits.
      vous avez parlé l’autre jour des bienfaits de l’huile d’Angélique sur le plan mystique découverte par le docteur Pénoël. Je peux vous confirmer que cela est vrai pour l’avoir explorée.
      Elle m’a permis de fusionner le yin et le yang en moi à travers Fragonia et Kunzéa .
      L’approche holistique par les huiles est une grande ouverture de l’Esprit et du corps.

      Merci de vorre partage.

      geneviève

    • Françoise

      Merci pour cette belle fiche sur Crithmum maritimum.
      Lieutaghi, dans son livre des bonnes herbes qui est une excellente référence lui attribue des vertus stimulantes et diurétiques. Il donne une recette intéressante pour confire cette plante au vinaigre.

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