Le monastère de la Grande Chartreuse, créé par Saint-Bruno au XIème siècle, n’est pas ouvert au public mais des visites du musée sont proposées dans le bâtiment de la Correrie, en contrebas du monastère où vivent encore aujourd’hui les moines, dans le silence, abrité derrière de hauts murs qui ne laissent rien deviner de leurs activités. Même en grimpant un peu, impossible de distinguer ce qui se trame dans ce lieu mystérieux. Vous rejoignez un groupe de visiteurs sur le départ pour la visite qui part dans 5 minutes, le temps d’admirer la richesse de la nature environnante, toutes ces plantes de montagne qui entrent certainement dans la recette du fameux élixir produit ici.

Une femme d’une cinquantaine d’années, droite comme un I et vêtue strictement entraîne votre bruyant groupe de visiteurs. Elle retrace l’histoire de ces moines, leurs activités d’herboriste puis l’obtention d’une formule d’élixir végétal et sa commercialisation qui va bouleverser leur destin. La légende racontée maintes et maintes fois veut que ce soit le maréchal d’Estrées qui remette en 1605 aux moines de la Chartreuse un manuscrit révélant la formule d’un « élixir », contenant la quasi-totalité des plantes médicinales de l’époque, et dont personne ne sait l’origine.

Vous ne pouvez vous empêcher de penser, un brin ironique, que ce heureux hasard est bien commode : comment expliquerait-on en effet que des moines chartreux, contrevenant aux impératifs de l’époque aient pratiqué l’alchimie et découvert une formule extraordinaire ? Ainsi cette recette qui ne naît officiellement qu’en 1605 d’un parchemin d’origine inconnue est plutôt commode puisqu’à ce moment là, l’Inquisition en a fini depuis longtemps avec ses persécutions…

Cependant, l’histoire n’a pas épargné ces moines qui en 1803, quand l’état laïc prend du pouvoir, sont expulsés du territoire français comme bien d’autres congrégations religieuses. Leurs biens sont confisqués. Pourtant, on ne retrouvera jamais leur fameux trésor qui demeure à jamais un mystère. Certains le cherchent encore. A moins que ce fameux trésor ne tienne dans les ouvrages, eux aussi confisqués et toujours conservés dans le fond de la bibliothèque de Grenoble ? Tous ont-ils été confisqués à l’époque ? C’est que, si on n’a pas retrouvé le trésor, certains ouvrages ont peut-être survécu. Après tout, ils sont bien partis avec leur recette d’élixir qui demeure leur secret !

Vous vous faites rapidement remarquer avec toutes ces questions que vous ne vous privez pas de partager. Il faut dire, vous commencez à en connaître un rayon ! Mais vos questions d’ordre alchimique semblent mettre particulièrement mal à l’aise votre guide qui finit par éviter votre regard et s’arranger pour prendre les questions des autres visiteurs.

Vous écoutez avec intérêt la suite des explications, notamment celles qui concernent les plantes médicinales et leurs propriétés.

A la fin de la visite, vous profitez que les touristes s’engouffrent dans la boutique pour questionner la guide sur les plantes utilisées dans la formule du fameux élixir de la Chartreuse. Un éclair semble brièvement traverser son regard, mais son sourire affable dissipe instantanément cette désagréable impression. Elle vous propose de l’accompagner un peu plus loin : « Venez je vais vous montrer quelque chose ».

Rendez-vous pour la suite au jour 17