Ou pourquoi il est communément admis que comme les artistes, les professionnels du bien-être ne peuvent pas vivre de leur passion et autres considérations sur la création d’entreprise.

Réorientation professionnelle et argent

Je vais vous raconter une petite histoire. J’avais au téléphone il y a quelques jours une personne qui cherche à se réorienter, comme ça arrive souvent (eh non, vous n’êtes pas tout seul!). Nathalie exerce un métier qui ne la satisfait pas pleinement et à côté, elle passe son temps libre à créer des recettes, à faire ses tambouilles avec les huiles essentielles et à y prendre un maximum de plaisir. Mais voilà, c’est un loisir. Malgré tout, une petite voix lui souffle que ça pourrait être plus qu’un loisir… et si elle faisait de sa passion un métier? Un métier qui la comble de bonheur? Après des années d’hésitations, des années où la possibilité même que ce soit une option ne l’a pas effleurée aussi, un beau jour, elle décide d’attraper son téléphone et de demander à des professionnels installés comment ils vivent leur métier, leur reconversion, est-ce qu’ils en sont satisfaits? Pleine d’espoir, devant ces personnes qui ont sauté le pas avant elle, elle s’attend à recevoir le dernier coup de pouce qui la fera sauter le pas et enfin vivre la vie dont elle rêvait.

Mais voilà que ça ne se passe pas comme prévu. Ou plutôt si, exactement comme elle s’y attendait, qu’elle demande à un conseiller en aromathérapie ou à un naturopathe, c’est la douche froide: non, ils ne vivent pas de leur métier. C’est leur conjoint qui ramène la soupe, avec un boulot stable et bien payé. Eux, ils se contentent eh bien… de s’occuper, et les bons mois de ramener la touche de beurre pour les épinards. Parce que c’est pas facile, et… Nathalie reçoit en pleine tronche la litanie des difficultés et des impossibilités et des croyances limitantes de ces professionnels qui viennent confirmer ses doutes. Parce que vous comprenez, il n’y a pas assez de clients, et les gens ne sont pas prêts à prendre en main leur santé, et les gens ne veulent pas payer une consultation à son juste prix, et c’est à cause de la sécurité sociale qui nous a tellement habitués à être pris en charge et puis, c’est difficile de demander une rémunération juste parce que quelque part, on profite de la détresse des gens malades, et puis, ça n’est pas reconnu comme métier, les gens n’ont pas confiance, et puis, je ne suis pas le seul, vous savez, on n’en vit pas c’est comme ça… et caetera, et caetera.

 

L’archétype de l’artiste torturé

C’est un peu comme l’archétype de l’artiste qui meurt fauché et qui est reconnu après sa mort pour son génie. Elisabeth Gilbert a écrit un excellent livre là-dessus où elle dénonce notamment cette vision de l’artiste torturé, comme si il fallait souffrir pour créer, encore un stéréotype bien ancré dans notre inconscient. Ce sont des chemins que l’on choisit. Mais ce ne sont certainement pas des chemins obligatoires. Rassurez-vous, un tas de naturopathes et de praticien de bien-être vivent de leur métier. Pourquoi eux? Parce qu’ils ont compris qu’il ne fallait pas trop prêter attention à ce qui doit être (ce que la société considère être le modèle type du praticien de bien-être, le coeur sur la main, à travailler jour et nuit, même gratuitement le week-end pour venir en aide aux pauvres et aux démunis) et prêter attention à ce qu’ils sont et ont à offrir. En fait, c’est assez amusant quand on s’arrête une minute pour prendre du recul et voir de quelle manière la société dévalorise ces métiers et en font des activités marginales, sans même à avoir légiférer: juste en véhiculant les bons stéréotypes qui font que la profession ne sort pas trop du rang, reste bien sagement dans le troupeau.

 

4 choses que l’on ne sait pas quand on crée son entreprise

Au-delà de ces considérations contextuelles, quand on crée son activité, son entreprise, il y a plusieurs choses fondamentales à savoir:

1- ce n’est pas votre passion qui va porter votre entreprise les jours de grands découragements, c’est la vISION qui se cache derrière cette passion, votre POURQUOI. Pourquoi vous faites ça, qu’est-ce qui vous anime? Quel est votre grand projet de conquête du monde? La vision est comme le cap pour un navire. Tant que vous la garder en ligne de mire, tout est possible. Si vous n’en avez pas, aux premières tempêtes, tout va s’affaisser comme un château de carte.

2- le temps que vous allez passer à pratiquer votre passion, en tout cas au démarrage, est quantité négligeable. En créant une activité, d’autres sujets prennent une place prépondérante et nécessitent d’y accorder un minimum d’importance pour la bonne marche de l’affaire: la gestion et la comptabilité, la facturation, la recherche de clients, la communication, les aspects technique/ pratico-pratique, les partenariats et les collaborations, la stratégie etc. Il faut donc avoir l’envie et la curiosité de toucher à plusieurs choses. Votre PASSION, celle autour de laquelle vous bâtissez votre activité, est une chose parmi d’autres. D’ailleurs, certains créent des entreprises sans aucune passion particulière. Ils ont simplement une vision à laquelle cette création contribue.

3- vos croyances et vos limitations personnelles en tant que chef d’entreprise sont les seules LIMITES au développement de votre entreprise. Autrement dit, vous réussirez à élever votre entreprise à votre niveau maximum à vous. Si vous êtes persuadé qu’on ne peut pas vivre du métier de praticien de bien-être ou encore que tous les conseillers en aromathérapie ne gagnent leur vie que modestement, alors vous aurez le résultat attendu. Faire grandir une entreprise, c’est aussi se faire grandir soi et modifier son système de croyance. Ainsi, le premier travail, surtout dans le bien-être est de sortir de cette relation victime-sauveur où les clients auraient absolument besoin de vos services gratuitement sous peine de mort imminente et qu’il ne serait pas charitable de le leur refuser. Je caricature évidemment, mais c’est du déjà vu, et pas qu’une fois sur les groupe Facebook dédié où les praticiens se font insulter car ils demandent à être rémunérés pour leurs consultations et ne répondent pas gratuitement dans la minute. D’autres le font. Gratuitement. Et sapent ainsi tout le corps de métier. Si vous n’êtes pas en mesure de le faire pour vous, pensez à l’ensemble de la profession et ce qui se passerait si tout le monde donnait gratuitement des consultations. La profession disparaîtrait! Tout simplement. Il y a là, comme dans le milieu artistique un rapport à l’argent à retravailler. Si vous faites quelque chose d’utile (oui l’art et le beau sont aussi utiles dans nos vies!) soyez sûrs que des clients seront prêts à échanger de l’argent contre vos services! C’est aussi simple que ça.

4- vous êtes le CREATEUR de votre réalité. Vous créez votre entreprise, votre activité, vos conditions. Rien n’est pré-établi! C’est libre, c’est open, vous n’êtes pas obligé de choisir l’option fauché/ torturé/ au bord de la faillite. Vous pouvez contribuer à changer cette réalité.

 

Plante Essentielle, cette « vraie » entreprise

Pour conclure, Nathalie a été très surprise que je gagne ma vie avec Plante Essentielle. Elle pensait que c’était un passe-temps, à côté d’un métier vrai, sérieux ou que j’avais un conjoint qui m’entretenait (j’extrapole à d’autres réflexions que j’ai déjà eues). J’avoue que je trouve cette idée blessante pour la féministe que je suis. Non, non, non, j’ai toujours gagné mon argent toute seule comme une grande. Si ça n’avait pas été le cas, depuis 2017, j’aurais changé d’orientation, parce que 4 ans sans revenus, ça ne me paraît pas envisageable!

Dans le même ordre d’idée, quand je parle de ce que je fais, on me répond souvent « ça va, c’est pas trop difficile d’en vivre? » avec un petit sourire de commisération, preuve que cette idée est bien ancrée collectivement. J’ai parfois un instant de sidération où je me demande si la personne ne va pas me glisser un petit billet pour aller m’acheter des bonbons…. C’est fou, je génère de la pitié! Parfois je me demande pourquoi je renvoie cette image, je n’ai pas de réponse, c’est un peu comme si je n’existais plus, que je devenais juste un miroir devant les gens qui ne voient qu’eux et leurs pensées. Je suis dans une réalité parallèle, à des années lumière de leurs projections!

Souvent aussi, on me demande pourquoi je facture de la TVA, ce qui au début me paraissait dément: on est en France, évidemment qu’il y a de la TVA, c’est pas la fête les amis, il y a une réglementation fiscale à respecter! Mais j’ai fini par comprendre ce qu’il y avait derrière cette réflexion suspicieuse: les gens étaient persuadés que j’étais en statut auto-entrepreneur, gagnant difficilement 30 000€/ an, le plafond pour ce statut qui ne peut ni facturer ni récupérer de la TVA. Pourtant l’immatriculation de la société est facilement consultable par tout un chacun, mais l’idée même de vérifier est absurde: c’est une évidence que c’est une entreprise de seconde zone! Là encore, cette assomption est révélatrice de la vision que le public a de ces métiers (et peut-être aussi de la femme entrepreneure, mais c’est encore un autre sujet…) et il est aussi de ma responsabilité de dire NON.

Ce n’est pas une obligation de jouer les artistes maudits et de jouer la scène de théâtre à laquelle on prédestine ces métiers. Ce que l’on fait ici est trop sérieux, trop important pour nos concitoyens et l’avenir de cette planète pour se complaire dans ces stéréotypes d’un autre âge. Donc oui il est possible de vivre de sa passion, j’ai créé directement l’entreprise Plante Essentielle en société en en étant persuadé. Rien n’est venu démentir ce postulat de départ et je constate que je ne suis pas la seule à vivre dans ce domaine. Je ne donne jamais mes chiffres, je pense que c’est une question de pudeur, je ne sais pas pourquoi ça me gêne de dire: oui, je gagne ma vie avec mon entreprise, mieux que quand j’étais cadre salarié. Par contre, je travaille aussi davantage. Mais est-ce que là aussi on n’est pas dans des croyances limitantes et des stéréotypes de l’entrepreneur débordé?

Finalement, c’est une évidence pour moi de gagner ma vie avec mon travail, mais le dire ici, clairement, explicitement, aidera peut-être d’autres créateurs à se projeter positivement, je l’espère. Le monde a besoin de beaux projets, portés par de belles personnes qui ont de belles visions pour notre avenir! Votre contribution n’est pas accessoire.

 

PS: le livre d’Elisabeth Gilbert c’est « Comme par magie, vivre sa créativité sans la craindre » (lien amazon)