Elle va rejoindre notre collection d’huiles essentielles précieuses en tout cas! Celles qui sont obtenues à partir d’oléorésines comme l’encens ou la myrrhe: elles font toutes partie de cette grande famille botanique des burséracées desquelles on excise le tronc pour recueillir la gomme bienfaisante. On les trouve dans les régions tropicales d’Asie, d’Afrique et d’Amérique. Mais attention, contrairement à notre imagination débordante- comme d’habitude- qui placent ces huiles essentielles-là dans une espèce de rêve oriental à base d’odeurs chaudes, sucrées, suaves… la réalité vous promet un atterrissage brutal loin des coussins de velours et des rêves de palais de maharadjahs!
Ici, on est davantage dans une odeur poivrée. Ca chatouille le nez, avec une odeur franche, nette et un peu plus verte que le poivre noir (du poivre vert peut-être?). On retrouve nettement le marqueur odorant de cette famille avec la prédominance des monoterpènes. Une odeur plus jeune et dynamique que ses consoeurs qui invitent à l’introspection, je trouve. Elle tient plus du coup de fouet de ses cousines occidentales résineuses (les pins, épinettes) que de la chaleur somnolente des tropiques.
Aussi, on peut se demander si elle présente vraiment des caractéristiques qui sortent de l’ordinaire pour la préférer à une alternative moins menacée: l’Elemi est une plante surveillée de près et figure sur la liste rouge de l’IUCN avec la mention « decreasing », c’est à dire que ses populations diminuent (déforestation? Surexploitation? qui sait…).
Ce qui pose aussi la question plus générale d’utiliser ces gommes-résines sous forme d’huiles essentielles, avec une perte de 70 à 85% de la matière (rendement de 15 à 30% de la distillation à la vapeur d’eau), sans compter qu’au bout d’un ou deux ans, ça devient un sacerdoce de faire sortir le liquide épaissi par le compte-goutte (quand celui-ci n’a pas entièrement été grignoté). Pourquoi ne pas utiliser, comme on le faisait il n’y a encore pas si longtemps, la résine dans des préparations solides comme des encens à brûler, des baumes ou même liquides (oui un baume peut-être liquide… voir explication ici) dissoutes dans de l’alcool. On retrouve la trace d’un remède du docteur Wecker au 17ème siècle: un baume à base d’Elemi pour les blessures des soldats au front. Mais l’élémi est connu en Europe dès le XVème siècle pour cet usage et on retrouve la trace de formulations tels le baume de Fioraventi ou encore le baume de Heurnius aujourd’hui disparus. Mais ne nous leurrons pas, dans ces baumes, c’était bien la résine couleur miel qui était incorporée et non une version purifiée (moins riche finalement) sous forme d’huile essentielle…
Mais voyons voir ce que sa composition nous dit d’elle.
Composition chimique de l’huile essentielle Elemi
- Monoterpènes: limonène (50-55%), alpha et beta-phellandrène (15%), sabinène (4-5%)
- Sesquiterpénols : élémol (9-10%)
- Trimethyl-ether : élémicine (4-5%)
- Monoterpénols : alpha-terpinéol (3-4%)
Ce qui me semble intéressant, c’est la présence des phellandrènes en quantité non négligeable. On retrouve ce composé (mis en évidence pour la première fois dans l’huile essentielle d’eucalyptus dites pour la petite histoire) dans de nombreuses huiles essentielles, mais rarement avec un pourcentage aussi significatif.
Dangers et contre-indications de l’huile essentielle de l’Elemi de Manille
Définitivement, cette huile essentielle d’Elemi est proche de l’huile essentielle d’encens, que ce soit par l’odeur ou la composition riche en monoterpènes (et on le verra, aussi, son usage). Mais vu le prix (moitié moins cher), on pourrait imaginer de privilégier celle-ci plutôt que de l’encens Oliban si le problème de la menace des ressources n’était pas le même finalement.
Les mêmes restrictions d’usages vont s’appliquer avec une utilisation obligatoirement dilué en raison du risque d’irritation. Pour autant on va le voir, c’est bien par la voie cutanée qu’elle s’utilise sur les plaies et bobos! La présence d’un phénol méthyl-ether comme le chavicol ou l’estragol est plutôt original par rapport à ce qu’on pourrait attendre en regardant une chromatographie d’encens. Ca plus la présence des monoterpènes, il faudra être vigilant sur sa conservation et notamment la formation des peroxydes allergènes en cas d’exposition à l’air (ce qui arrive, de fait, à chaque fois qu’on ouvre le flacon!). La date d’utilisation préférentielle indiquée sur le flacon est pour une fois est à considérer, surtout si vous récupérez un flacon déjà ouvert dont vous ne savez rien de son stockage antérieur.
En ce qui concerne les publics sensibles comme les femmes enceintes et les jeunes enfants, je n’ai pas trouvé de contre-indications à son usage. Enfin, à un usage « normal » c’est à dire dilué et dans des proportions raisonnables et par voie cutanée, ne me faites pas dire ce que j’ai pas dit! On peut toutefois faire preuve d’un excès de prudence en l’évitant comme préconisé par certains odeur sur l’encens, sur les femmes enceintes de moins de 3 mois.
Propriétés de l’huile essentielle de Canarium luzonicum
(Canaries, lusitanien, Portugal??? Je ne sais pas d’où vient ce nom latin, mais je ne vois pas le rapport!)
Ses propriétés vont essentiellement concerner les plaies en tant que cicatrisante et antiseptique (comme pour nos soldats du 17° siècle) et les escarres en fait toutes les plaies récalcitrantes qui ne veulent pas se cicatriser ce qui est souvent le cas quand il y a une pression prolongée avec une moindre irrigation, en cas d’hospitalisation. On les qualifie de « plaies atones ».
Pour certains comme en témoigne une réponse à un précédent article sur Plante Essentielle, il est préférable d’éviter le côté « détersif » de certaines huiles essentielles riches en monoterpènes. Au contraire! Une fois diluées, ces huiles essentielles antiseptiques sont tout à fait appropriées à la cicatrisation des plaies. Un exemple flagrant, le Ciste ladanifère mais moins connu pour cet usage, le pin sylvestre est aussi intéressant! Il y a eu plusieurs essais dans les Ehpad et les hôpitaux, deux hauts lieux de formation d’escarres, où les huiles essentielles testées à 20% (avec du miel à 60% qui a aussi des vertus cicatrisantes) donnent des résultats encourageants (Mayer et al. 2012 ). Le Ciste et la myrrhe sont déjà de la partie, alors pourquoi pas l’élémi!
Mais je m’éloigne du sujet, les propriétés. A part ça? A part ça, d’après Faucon elle serait très immunostimulante, une bonne idée par les temps qui courent, et stomachique. Oui, oui, vous avez bien lu, elle aurait une action intéressante sur la digestion (en massage toujours pas de voie orale pour cette HE, comme toutes les résines finalement).
Indications et voie d’administration de l’huile essentielle d’Elemi
Par voie cutanée. C’est tout. Vous ne voudriez pas qu’elle aille encrasser votre diffuseur! Blague à part, il est possible, comme l’encens de la diffuser. On peut également pratiquer une olfaction.
Par voie cutanée (diluée, je suis obligé de radoter car certains lecteurs peu consciencieux lisent en diagonal… incroyable mais vrai tsss) on va l’utiliser sur les plaies, escarres et ulcéres je n’y reviens pas, c’est son indication principale.
On va également pouvoir l’utiliser pour stimuler la digestion en cas de diarrhées, de crampes intestinales, amibiase ou autre joyeuseté. Eh oui, elle est antiseptique et ça ne marche pas que pour les plaies. Après, nous avons tout de même des HE plus efficaces dans le domaine. Pour la même raison, on peut la trouver dans des synergies contre la toux, les bronchites, n’oublions pas que les monoterpènes sont décongestionnants et que nous avons des propriétés immunostimulantes.
Plus original, alors là je suis restée scotchée. Lu chez Faucon, relu chez Bosson: la scoliose. Cette huile essentielle aurait la capacité de corriger la posture, de redresser la colonne vertébrale et serait particulièrement intéressante en cas de nuque bloquée (des propriétés décontractantes plébiscitées par les retours d’utilisation en ligne sur les cervicales). C’est exactement ce qu’il me fallait! A force d’être derrière un ordinateur, je me voûte, je me voûte et rien ne va plus. Je vais donc tester cette allégation qui me paraît un peu tirée par les cheveux mais pourquoi pas! Ce ne serait pas la première fois que je suis époustouflée par ce que renferment nos précieux flacons… Ceci dit, même si c’est repris et recopié par les auteurs, ça date du Moyen Age, alors Hildegarde, oui, mais un rebouteux lambda, je reste sur mes gardes (d’autant que rappelons-le ici on parle de l’huile essentielle et non de la résine qui était la substance utilisée à l’époque, brute).
J’imagine bien tester ça sur le bossu de Notre-Dame, tiens!
Enfin, dernière indication trouvée dans la littérature sur les bourdonnements d’oreille: une goutte d’élémi et d’hysope couchée sur un coton tige à passer sur le pavillon de l’oreille. Pas de gouttes dans l’oreille, ce serait la cata. D’où l’idée du coton tige, ça évite le trop plein.
Aromathérapie énergétique de l’Elemi et propriétés sur le système nerveux
Eh oui, on change les petites habitudes, j’ai tout mélangé dans ce dernier paragraphe. Comme quasiment toutes les gommes ou oléo-résines, on l’a utilisé dans diverses cérémonies et rituels religieux. Les herboristes chinois l’évoquent déjà au 7° siècle!
Mais l’huile essentielle d’Elemi est plutôt considérée comme dynamisante. Qui a dit qu’un rituel religieux devait porter à la rêverie, hein? Ce n’est pas par hasard que je l’ai comparée au pin sylvestre un peu plus haut. Le ressenti est similaire avec un petit coup de pouce à la concentration. Pourtant, elle n’a pas ce côté cortison-like qu’on attribue aux pinènes chez le pin. Je l’ai testée le soir, pas de soucis pour s’endormir après un petit tête à tête avec cette huile essentielle. Pour Lydia Bosson, elle renforce la volonté et permet de passer à l’action dans le calme. Elle propose d’ailleurs une synergie avec la menthe poivrée (spécialiste de la tête froide ahah). Avec l’élémi, on recentre, on stoppe la dispersion et on est focus sur nos objectifs. Elle est associée au chakra de la gorge. Pour ceux qui veulent sortir de leur train-train et dire Go!!!! Go élémi Go!!! Comme quoi l’expression « met la gomme » prend tout son sens… mais il restait à préciser de quelle gomme on parle!
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3 replies to "Huile essentielle Elemi: met la gomme! (Canarium luzonicum)"
Bonjour Cecile
Merci pour cette fiche
Petite confirmation 🙂 Etant moi même tombée dans la marmite des HE après plus de 30 ans de carrière paramédicale.
J’étais aussi un peu septique sur cette histoire de colonne vertébrale ! Mais il y a 2 ou 3 ans je me suis retrouvée bloquée du dos et bien bloquée ! Mon traditionnel eucalyptus citronné n’y faisait pas grand chose étonnamment ! Donc j’ai juste respiré profondément mon flacon d’ Elémi 2 ou 3 fois sur 1 heure et …un vrai miracle mon dos s’est détendu comme par magie ! Du coup j’ai aussi fait une huile de massage et le lendemain on n’en parlait plus ! je pense mais ce n’est qu’un avis qu’elle vient en support quand la douleur dorsale est d’origine émotionnelle. Et c’était mon cas cette fois là, je n’avais fait aucun faux mouvement sport ou autre qui aurait pu expliquer ce blocage. Quoi qu’il ne soit soyons pragmatique si ça marche 🙂 Au plaisir
Jocelyne
Merci pour ce témoignage
C’est génial Jocelyne, un grand merci pour ce retour d’expérience. De plus, l’origine émotionnelle est souvent là avec les douleurs de dos!